22 avril 2006

Une chose trop sérieuse pour la confier à des politiques 

L'hémisphère gauche de la blogosphère américaine s'est gaussé des questions orientées du dernier sondage politique réalisé pour Fox News (pdf). En laissant de côté le fait que les réponses à une autre question était autrement plus inquiétantes :



Nul doute que les récents appels de généraux retraités à la démission de Rumsfeld a contribué à brouiller les cartes, les électeurs démocrates prenant instinctivement le parti des militaires, sans prêter attention au libellé de la question. Et il est possible de se rassurer en se disant, comme le soutiennent plusieurs commentateurs chez Kevin Drum, que la question est mal posée.

Mais l'impression dégagée par le sondage est quand même troublante : seul 1 Américain sur 5 adhère vraiment à l'idée, pourtant essentielle en démocratie, selon laquelle l'armée doit être sous le contrôle du pouvoir civil. Voilà qui ne va pas aider Billmon à mieux dormir la nuit.

Add. (24/04) : la thèse de la question mal posée reçoit un soutien majoritaire en commentaires mais il me semble que c'est à tort. On peut bien sûr soutenir qu'une forte proportion de sondés interprète la question comme ayant trait à la gestion opérationnelle et pas aux grandes décisions stratégiques. Mais cette distinction n'a aucune importance quant à la réponse qu'un parfait démocrate doit apporter à la question posée dans le sondage : dans un cas comme dans l'autre, la décision finale ("final say") en cas de désaccord revient au pouvoir civil, c'est-à-dire en dernier ressort au Président des Etats-Unis en tant que chef des armées (sous réserve du vote du Congrès pour autoriser l'emploi de la force). En pratique, le pouvoir civil délègue une grande partie de la conduite opérationnelle aux militaires sur le terrain, mais cela ne change rien au principe général.

La grande ironie du sondage, en fait, est que Fox attendait évidemment une réponse conforme au principe du contrôle par le pouvoir civil. Réponse qui aurait permis de clamer que les Américains sont opposés aux prises de positions anti-Rumsfeld des généraux à la retraite. De façon malhonnête, d'ailleurs, dans la mesure où 1. l'enjeu n'est pas de savoir qui prend ultimement les décisions en matière militaire mais si les militaires ont le droit de critiquer publiquement les décisions du pouvoir civil 2. il s'agit de toute façon de généraux à la retraite. C'est sans doute ce contexte qui explique que les Démocrates soient très étrangement plus nombreux que les Républicains à considérer que le dernier mot doit revenir aux militaires. Mais ils ont tort, sauf à supposer qu'ils ne soient pas... démocrates.