23 juin 2006

Nous n'avons pas les mêmes valeurs 

Ce matin, quand les Etats-Unis ne s'étaient pas encore fait éliminer de la Coupe du monde comme une vulgaire équipe de France, il était encore temps de publier un marronier sur une question qui revient à chaque Mondial : mais pourquoi donc les Américains sont-ils fâchés avec le football, pardon le soccer?

C'est donc Philippe Gélie qui s'est tapé le pensum ce matin dans le Figaro. Le résultat est un article tout à fait honnête, dont les deux seuls défauts est de ne pas souligner le paradoxe qui veut que la Coupe du monde de football qui a drainé le plus de spectacteurs dans l'histoire a été celle organisée en 1994 aux Etats-Unis et surtout, surtout, de se conclure sur un contresens absolu :
Les États-Unis sont toujours en gare, à méditer sur la formule d'un ancien député et «quarterback», comparant en 1986 le soccer «européen et socialiste» au foot américain «démocratique et capitaliste». De fait, l'autre invention européenne qui n'a jamais pris aux États-Unis, c'est le socialisme.
Certes, le socialisme n'a jamais vraiment réussi politiquement aux Etats-Unis - malgré les efforts de Eugene Debs et même si l'un des événements attendus des élections de novembre prochain est l'arrivée annoncée de Bernie Sanders au Sénat. Mais s'il y a bien un domaine où il s'est spectaculairement imposé outre-Atlantique, c'est bien dans les sports américains, quoi qu'en disait Jack Kemp.

Comme l'écrivait Daniel Gross dans Slate en 2004 (juste avant une autre compétition de football qui avait vu, elle, la République tchèque briller) :
To different degrees, Major League Baseball, the NFL, and the NBA are examples of European-style socialism among billionaires and Fortune 500 companies. They share revenues, tightly regulate admission to the cartel, and bargain collectively with powerful European-style unions, which act as barriers against reform. Losers not only can prosper, but they get first dibs on next year's crop of talent.
En comparaison, le football européen, qui ne pose aucune limite à la masse salariale des équipes, est peu porté sur la redistribution des revenus et qui condamne impitoyablement les équipes les moins performantes au purgatoire de la seconde division, apparaît comme un modèle de destruction créatrice à la Schumpeter. Et beaucoup plus conforme aux valeurs américaines que les sports roi aux Etats-Unis. Il faut toujours se méfier des clichés.