28 juin 2006

Vexillolâtrie 

J'aime bien Bill Frist, le chef de la Majorité républicaine au Sénat.

D'abord, il ressemble beaucoup, je trouve, à mon journaliste montréalais de CNN favori, Jonathan Mann. Et Mann est cool, même pour un Canadien. Ensuite... non, en fait, il n'y a aucune autre raison.

C'est peut-être à cause de cela que j'ai toujours l'impression que malgré ses votes quelque part à la droite de De Villiers, le Docteur Frist est bien plus malin qu'un Tom DeLay ou son prédécesseur Trent Lott. Je suis sûr que Frist dissimule soigneusement son détachement dégoûté vis-à-vis des idioties qu'il répète et sa condescendance envers ce qu'est devenu le Parti dont il est l'un des dirigeants. Il faut imaginer Bill Frist heureux.

Or Frist est affligé après son combat patient. Frist est un peu notre Prométhée. Il veut ravir le Feu aux ennemis de la Liberté pour le rendre au Chasseurs de sorcières et il doit souffrir pour son sacrifice. Je suis donc allé tenter de lui remonter le morale alors que les USA sont plongés dans une crise sans précédent de Profanations de drapeaux.

Procrastiner en cliquant



Alors que la Fête d'indépendance est dans moins d'une semaine, les Sénateurs américains, guidés par l'Honorable Dr Frist, se sont concentrés sur le vrai cancer qui dévore leur démocratie.

Non, pas le financement politique, les prévarications, les lobbies et la situation préoccupante du déficit. Non, pas les districts réarrangés. Non, pas seulement le danger pour l'emploi d'une hausse du salaire minimum (5,15$ de l'heure, soit 892$ par mois au moment où les Sénateurs se sont voté une augmentation de 31 600$ par an).

La crise est la souillure perpétuelle d'Old Glory. Partout, d'une côte à l'autre, des hordes de terroristes liberticides, sacrilèges et iconoclastes ont compris qu'il était plus simple de toucher au coeur la Liberté en insultant son étendard plutôt qu'en organisant de crimes plus véniels sur des villes ou des personnes. Et qui se lèvera dans une époque nihiliste pour défendre l'oriflamme ?

Le seul rempart pour protéger ce symbole contre ces vagues de corruption et les 5 "juges" activistes et irrespondables qui les défendent est un Amendement à la Constitution, élégant et lapidaire :
The Congress shall have power to prohibit the physical desecration of the flag of the United States.

Hier fut une date historique qui aurait pu donner le "XXVIIIe Amendement" à la Constitution pour rééquilibrer le Premier ("Congress shall make no law (...) abridging the freedom of speech, or of the press; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the government for a redress of grievances...).

- Honorable Dr Frist, vous avez l'air abattu.
- J'étais tellement prêt de sauver le Drapeau. A un doigt près ! UNE VOIX.
- Un peu comme Gore en 2000.
- Et tout le monde se moque de moi à présent.
- A cause de votre surnom de Kitty Killer ?
- Non, pas du tout. Quel surnom de Kitty Killer ? Ca vient du Président ?
- Non. De... heu... je ne sais pas, ça m'est venu dans un grand flash, dans une illumination.
- Je vois ce que vous voulez dire. C'était la même chose quand j'ai fait le diagnostic en tant que cardiologue sur une cassette video que Terri Schiavo était prête à sortir de l'hopital. Et entamer une carrière internationale de tennis.
- Alors que l'autopsie a montré que presque tout son cerveau était déjà liquéfié.
- Si seulement j'avais pu pratiquer plus d'expériences sur des petites cervelles de petits chatons, j'aurais pu éviter cette petite bévue.
- Personne n'aime ces félidés frileux, infernaux et fielleux. Rien que pour ça, vous m'êtes sympathique. C'est vrai, il suffit de lire Garfield et on a envie de voter pour vous, Kitty Killer.
- Vous dites ça pour me remonter le moral, mais l'échec de ma carrière demeure patent.
- A cause de vos délits d'initiés et vos conflits d'intérêt avec vos cliniques privées ? Vous êtes victime de juges gauchistes, comme Berlusconi.
- Mais pas du tout, à cause du Drapeau, vous n'avez pas l'air de vous concentrer.
- On vous a déjà dit que vous ressemblez à Jonathan Mann, Kitty Killer ?
- On a échoué d'une voix !
- Mais au moins vous avez progressé. Il fallait 67 voix sur les 100 Sénateurs, le même amendement avait eu 63 voix en 1995, 63 voix en 2000, mais 66 cette fois-ci ! +4,75%, ce n'est pas négligeable.
- Oui, on avait même des Démocrates influents parmi les 14 qui nous soutenaient. Pas seulement des Démocrates conservateurs d'Etats vulnérables comme Max Baucus (MT), Tim Johnson (SD), Mary Landrieu (LA) ou Ben Nelson (NE). On avait même avec nous le Chef de la Minorité Démocrate Harry Reid (NV), un Présidentiable comme Evan Bayh (IN), et même la Californienne Dianne Feinstein (CA), ce gaffeur de Mark Dayton (MN), bien qu'il ne se représente plus, et même un Rockefeller (WV). Il y a 55 Sénateurs Républicains, si on avait eu de la discipline avec ces 14 Démocrates on avait 69 voix, soit deux de plus que la Super-majorité.
- Oui, ça avait super-l'air dans la poche.
- Cela ne m'étonne pas qu'un RINO craintif comme Lincoln Chafee (Rhode Island) ait voté pour vomir sur nos symboles patriotiques. Mais ce que je ne comprends pas est que notre "Majority Whip", qui est censé rassembler les voix et discipliner le Parti, Mitch McConnell (KY) et son assistant, Bob Bennett qui vient pourtant du même Etat qu'Orrin Hatch (UT) prennent ce point de vue digne d'un criminel ou de l'ACLU.
- Mais même si l'Amendement était passé , il aurait de toute façon fallu qu'il soit ratifié par au moins 38 Etats dans un délai raisonnable.
- Oui, heureusement, c'est ainsi qu'on a évité des aberrations comme une prétendue Egalité entre homme et femme en 1972 et un Amendement fantaisiste pour limiter nos libertés d'engager des mineurs.
- On l'a échappé belle.
- Le Congrès ne montre pas toujours notre sens des limites constitutionnelles. Notre Amendement est plus sagement conçu et on sait qu'il aurait au moins une majorité dans tous les Etats.
- Mais il laisserait passer quand même des problèmes. Le Congrès pourrait interdire la "profanation physique du drapeau". Mais qu'est-ce qu'une profanation ?
- C'est bien le problème avec ces relativistes modernes, si vous avez le besoin de le demander.
- Le terme peut être critiqué ausssi par certains Conservateurs qui estiment que le Drapeau ne peut pas être littéralement "sacré", sans quoi cela contredirait le Premier des Dix Commandements qui interdit l'Idolâtrie...
- Tartufferie.
- A l'inverse, certains libéraux partisans du Premier Amendement peuvent estimer qu'il y a bien une place pour le Sacré et une "religion civile" comme dirait Rousseau, mais que c'est cette loi qui profane la Liberté sacrée représentée par le Drapeau. Cela rendrait cette Loi auto-réfutative : elle profane dès qu'elle veut interdire la profanation.
- Ce ne sont que jeux sur les mots.
- Mais prenons un Zoroastrien par exemple. Pour lui, le feu est sacré et donc un mode de consécration. S'il brule un drapeau, ce ne serait donc pas une profanation.
- Un Zorro astral ?
- Ils sont estimés à environ 18 000 sur le territoire des USA. Il suffirait que chaque manifestation d'américanophobe emporte un Zoroastrien pour échapper à la loi.
- Non, la cour de chaque Etat - tous les 50 Etats ont déjà voté en ce sens - pourrait ensuite passer des lois pour évaluer les profanations selon les standards sociaux.
- Mais en ce cas, cela risque d'être relativiste et vague. Et de même qu'est-ce que le drapeau qu'on peut atteindre "physiquement". C'est le problème avec tout symbole : qu'a-t-on fait au Type en s'attaquant à un Token ?
- Il y a une définition précise de ce qu'est le Drapeau.
- Mais pourquoi ce symbole seulement plutôt qu'un autre ? Pourquoi pas l'Aigle chauve, le symbole $ ? Une Carte aussi "représente" les USA. Et la loi s'applique-t-elle rétroactivement aux anciens drapeaux ? Et qu'en est-il des drapeaux futurs ? Prenons par exemple ce drapeau :

Ceci n'est pas un Drapeau des USA.

- Hé bien, c'est le Drapeau.
- Non, il a 51 Etats. Comptez-les.
- Non, je vous fais confiance.
- Ce Drapeau défendu par les Porto-ricains peut donc être "profané". La loi aurait du mal à éliminer des actes qui semblent phénoménalement presque indiscernables de tristes méfaits de "profanation".
- Ecoutez, l'important, c'était de rappeler avant le 4 juillet nos priorités... Owwwh, un chaton... (il sort une scie) attendez, j'ai des expériences de vivisections sur la mort cérébrale à pratiquer.