23 octobre 2006

Chirac, volume 1 

Autant le dire tout de suite : on n'apprend pas grand chose en regardant la première partie du Chirac de Patrick Rotman, diffusé ce soir sur France 2. Ou plutôt, au risque de paraître prétentieux : je n'ai pas appris grand chose.

Pour une large part, je ne dois m'en prendre qu'à moi-même, ou plutôt à cette partie de moi-même qui se gave d'articles, de livres et de films politiques. Ce qui fait que je connaissais déjà par coeur les anedoctes croustillantes, de l'obscur serment de Solignac (merci Gus) aux négociations secrètes avec revolver dans la poche durant mai 1968 en passant par les phrases assassines et probablement aprocryphes du couple Juillet-Garaud. Evidemment, aussi, le détail des manoeuvres de la campagne présidentielle de 1974, les circonstances de l'appel de Cochin ou la mécanique de la trahison de 1981.

Pour une plus petite part, aussi, il faut mettre cette absence de neuf au débit du réalisateur. Rotman expédie en effet le début de la carrière de Chirac au même rythme que son sujet mène ses campagnes électorales : au pas de charge. Les années Sciences Po sont évacuées en 3 minutes, sans qu'on puisse savoir si les fiches techniques rédigées par Bernadette pour Jacques relèvent de la légende pieuse, ni entendre le témoignage de cette mystérieuse étudiante américaine avec laquelle notre président s'était fiancé pendant son été à Harvard. La scolarité de Chirac à l'ENA prend 30 secondes de bobine, le temps d'une photo de promo et de dire que Jacques sort de l'école 16e et comme auditeur à une Cour de comptes où il n'a pas du mettre souvent les pieds au cours de sa carrière. On aurait d'autant plus aimé que la jeunesse de Chirac soit un peu moins rapidement abordée par Rotman que les années de formation étaient longuement et remarquablement traitées dans son documentaire sur Mitterrand.

Et pourtant, le film de ce soir était un vrai régal. Parce que Rotman est un narrateur remarquable. Parce qu'il est toujours délicieux de voir ou de revoir des images d'archives de Séguin jeune, de Juppé jeune (quoique l'image est fugace), de Sarko encore plus jeune (et tenant visiblement à mettre son chiraquisme précoce sur le compte de son insouciante jeunesse) ou de Messmer un peu moins vieux. Parce que, surtout, les vraies attractions de ce genre de film sont les témoins : sur ce plan, Pasqua joue à merveille le rôle du parfait salaud ("on n'a jamais voulu faire gagner Mitterrand, on voulait simplement faire perdre Giscard"), Olivier Stirn se relève un guide précieux, Michel Rocard se glisse sans efforts dans les habits du sage et Jean-François Probst crève l'écran, en tirant dans le tas entre deux imitations de Chirac et de Pasqua, quitte d'ailleurs à se compromettre au passage (que Probst, alors jeune conseiller de Chirac, soit envoyé en Corrèze pour superviser la production d'un journal local est pour le moins troublant).

Il est douteux que la suite, demain soir, apportera la réponse à la question que tout le monde doit se poser: est-ce bien Anne Fulda qui a interviewé Sarkozy? Est-ce néanmoins une raison suffisante pour délaisser le volume 2 au profit du deuxième faux débat des candidats socialistes? La réponse est la-même que celle que faisait Chirac en 1979 à cette Europe germano-américaine dans laquelle le parti de l'étranger d'alors voulait noyer la France.

Add. (23H55) : voir aussi Phersu, qui souffre de la même pathologie que moi et remarque l'étrange fascination de Rotman pour les divers surnoms de Chirac.