21 décembre 2006

"Des milliers de tanches effrayées par des cormorans" 

Un correspondant qui se reconnaîtra me transmet ce plus tout jeune mais néanmoins somptueux moment de débat parlementaire, à lui transmis par un correspondant qui se reconnaîtra également.

Comme de coutume, je conseille d'éloigner les chats et les tasses de café (ou de thé SFTGFOP) brûlants :

PROJET DE LOI RELATIF AU DEVELOPPEMENT DURABLE

Troisième séance du mardi 12 octobre 2004


Après l'article 58 (...)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, l'amendement de notre collègue, adopté par la commission, est l'expression d'un ras-le-bol. S'agissant des cormorans, vos prédécesseurs nous ont toujours dit qu'ils allaient agir, mais ils l'ont fait à doses homéopathiques. Ce n'est pas avec un quota de tirs de 5 %, qui n'est même pas rempli, que l'on enrayera un phénomène qui déstabilise les écosystèmes.

M. Jean Dionis du Séjour. Très juste !

M. Charles de Courson. Par ailleurs, quand je m'ennuie sur l'autoroute, monsieur le ministre, je compte les buses juchées sur les poteaux. Elles sont grasses comme des gorets et elles prolifèrent, si bien qu'il est impossible de préserver des plans de petits gibiers. Or il s'agit d'une espèce protégée.

Il faudrait, monsieur le ministre, que vous soyez le premier ministre à respecter ses engagements sur cette question.

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Vous en doutez ?

M. Charles de Courson. S'agissant des cormorans, tous les gens de bon sens, qu'il s'agisse des fédérations de pêcheurs ou des parlementaires qui s'intéressent à ces questions, vous diront qu'il faut augmenter les quotas de chasse, étendre les zones où ils peuvent être chassés, voire - comme le proposaient certains collègues un peu extrémistes - les déclasser temporairement. Pour ma part, je ne vais pas jusque-là, car je sais que vous n'obtiendriez pas l'accord de la Commission. Mais vous pouvez augmenter significativement les quotas et les conditions de tir. Je ne parle que des buses, dont la prolifération empêche le petit gibier d'atteindre un niveau honorable, et des cormorans, mais je pourrais multiplier les exemples.

Il semble que vos prédécesseurs et vous-même soyez terrorisés à l'idée de retirer une espèce de la liste des espèces protégées. Vous avez mentionné six ou sept révisions de cette liste, mais combien ont abouti à un déclassement ? Pourquoi le cormoran y figure-t-il encore ? Dans ma jeunesse - je suis fils de pisciculteur -, je n'ai jamais vu un cormoran chez moi. Maintenant, on les appelle les stukas ! J'ai vu des poissons terrorisés, comme les populations sous les bombardements allemands en piqué. (Rires.) Vous riez, mes chers collègues, mais si vous aviez vu, comme moi, des milliers de tanches effrayées par des cormorans, vous n'en plaisanteriez pas !

Je ne puis tolérer l'idée que les ministres successifs protègent ces aviateurs nazis que sont les cormorans. Admettons que l'on soit gentil une fois de plus et que l'on ne vote pas cet amendement, mais dépêchez-vous de prendre un engagement clair et ferme, monsieur le ministre, parce que la prochaine fois, je vous promets que les choses se passeront très mal.

M. le président. Permettez-moi de vous rappeler, monsieur de Courson, qu'il n'est pas prudent de compter les buses lorsqu'on roule sur l'autoroute. (Sourires.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il a un chauffeur !

Cela dit, métaphores historiques aussi subtiles qu'une division blindée mises à part, Charles-Amédée du Buisson de Courson n'a pas entièrement tort : les plus publicistes d'entre mes lecteurs se souviendront d'une fameuse décision Association pour le développement de l'aquaculture en région Centre du Conseil d'Etat qui ressuscitait opportunément la jurisprudence La Fleurette pour permettre l'indemnisation de pisciculteurs dont les élevages avaient été ravagés par les attaques répétées de grands cormorans. Les conclusions du commissaire du gouvernement Lamy, parues à la RFDA, étaient d'ailleurs tout à fait savoureuses. A croire que le sujet est moins aussi porteur que celui de la culture des échalotes.