22 juin 2007
L'habituel contentieux électoral qui suit les élections législatives aura cette année une saveur particulière, dans la mesure où, précise le site Internet du Conseil constitutionnel :
De très nombreuses requêtes sont fondées sur l'absence de redécoupage préalable des circonscriptions.On se rappelle que le Conseil avait logiquement rejeté le 3 mai 2007 une requête du professeur Pascal Jan contre le décret du 24 avril 2007 portant convocations des collèges électoraux pour l'élection des députés (note Somni, Lex Libris, 14 mai 2007). La courte décision notait que le Conseil constitutionnel n'a pas le pouvoir, en tant que juge électoral, d'examiner la constitutionnalité des lois et que le décret en question ne faisait que tirer les conséquences nécessaires des prescriptions législatives du Code électoral.
Il faut espérer que les "nombreux requérants" auront eu la bonne idée d'attaquer le décret sur la base de son inconventionnalité, moyen qui pourrait mettre le Conseil un peu plus dans l'embarras. La question n'étant pas de savoir si le Conseil va annuler les élections, mais plutôt comment il va s'y prendre pour ne pas les annuler.
Et je me prends à rêver que le Conseil fasse d'abord prévaloir le traité sur le décret, qu'il estime ensuite que, pour des motifs impérieux d'intérêt général, les effets juridiques du décret doivent être regardés comme définitifs (reprise de la jurisprudence Association AC! du Conseil d'Etat) et enjoigne enfin au Premier ministre d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée un projet de loi visant à établir une nouvelle délimitation des circonscriptions. Ce qui n'est, hélas ou heureusement, pas prêt d'arriver, d'une part parce qu'il faudrait que le Conseil soit saisi de conclusions en ce sens, et d'autre parce que le commentaire aux Cahiers de la décision Jan affirme qu'une injonction de ce type aboutirait à "méconnaître la séparation des pouvoirs".
Une chose semble certaine, en tout cas : si le législateur souhaite réformer le mode d'élection des députés (par exemple pour y introduire une dose de proportionnelle) , il devra avoir au préalable ou concomitamment entrepris de redessiner la carte électorale pour la rendre plus conforme aux exigences minimales d'égalité devant le suffrage. Faute de quoi, il s'exposerait sans nul doute à la censure du Conseil constitutionnel. Le commentaire aux Cahiers était aussi clair qu'il est possible de l'être sur ce point. Après avoir rappelé qu'il "ne fait [...] pas de doute que la carte des circonscriptions législatives est aujourd'hui inconstitutionnelle", il concluait en remarquant que (mes italiques) :
Le rejet du recours de M. Jan pourra décevoir en ce qu'il paraît protéger, faute de la sanctionner, la carence du législateur, pourtant dûment invité par le Conseil à réviser la carte des circonscriptions législatives. Le Conseil n'est pas pour autant désarmé. Le grief pourrait, en effet, être utilement invoqué à l'encontre de toute loi future modifiant le régime électoral de l'Assemblée nationale si, antérieurement ou concomitamment à son adoption, la carte des circonscriptions n'a pas été révisée.En même temps, c'est vrai qu'on voit mal comment les réformes envisagées du mode de scrutin pourraient se faire à carte des circonscriptions constante : on peut théoriquement envisager d'ajouter une grosse soixantaine de députés aux 577 actuels pour atteindre l'objectif d'une dose de 10% de proportionnelle mais je doute que cela soit très bien vu par l'opinion. Et je ne sais même pas si l'Assemblée pourrait matériellement les accueillir dans l'hémicyle actuel, et dans les bureaux existants.
Mis en ligne par Emmanuel à 14:36 | Lien permanent |