13 novembre 2007
Le site du Conseil d'Etat renvoie sur sa page d'accueil à une décision de section du 9 novembre 2007. Signe habituel que la décision présente une quelconque importance.
Dans l'affaire en cause, la requérante, de nationalité marocaine, demande au Conseil d'Etat l'annulation d'un jugement du tribunal administratif de Paris rejettant sa demande tendant à annuler un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF) et, partant, l'annulation dudit d'arrêté. Sa fille, née en France en 1999 d'un père inconnu, a été reconnue apatride, c'est-à-dire comme une "personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation", par l'Office français de protection des refugiés et apatrides (OFPRA). A ce titre, l'enfant bénéficie de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", sauf si sa présence sur le territoire national constitue une menace pour l'ordre public.
Par ricochet, cette protection profite aussi à sa mère. De deux choses l'une, en effet, affirme le Conseil d'Etat dans un considérant qui tangente fortement le principe :
une mesure [d'éloignement] ne peut [...] être prise à l'encontre des parents d’un enfant mineur reconnu apatride qui vit auprès d’eux, dès lors qu'elle aurait pour effet, soit de priver l'enfant du bénéfice des droits et garanties attachés au statut d'apatride, s'il accompagne ses parents en exécution de la mesure d'éloignement, soit de porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie familiale de ces derniers, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si l'enfant demeure en France séparé de ses parents.En conséquence, annulation du jugement de première instance et annulation de l'arrêté, le préfet étant invité à rééxaminer la situation de la requérante. Rien que de plus logique. Sauf que.
Sauf que l'APRF date du 16 mai 2003. Et que la décision de l'OFPRA reconaissant à la fille de la requérante la qualité d'apatride a été rendue le 3 août 2004. En bonne logique, la requérante aurait pu demander, à partir de cette seconde date, une abrogation de l'APRF au préfet de police de Paris. Et l'obtenir, au besoin devant le juge, sur la base du changement de circonstances.
En bonne logique, au moins le crois-je, le Conseil d'Etat aurait dû refuser l'annulation ab initio de l'APRF du 16 mai 2003, dans la mesure où le statut d'apatride de la fille de la requérante n'était pas établi à cette date. Pas du tout (mes italiques) :
Considérant que compte tenu des effets de la protection conférée par le statut d’apatride, Mme C. était en droit de se prévaloir, à la date de l’arrêté attaqué, de la qualité d’apatride de sa fille, la jeune Oumaya, qui vit auprès d’elle ; que, dès lors, pour les motifs ci-dessus énoncés, le préfet de police ne pouvait légalement prendre à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière ;Notons que si, à la date de l'arrêté attaqué, les autorités consulaires marocaines avaient refusé l'inscription de la fille de la requérante sur les registres de l'état civil marocain, le tribunal d'instance du XVIe arrondissement de Paris ne lui avait pas encore refusé la délivrance d'un certificat de nationalité française. Notons encore que l'OFPRA précise utilement, sur son site Internet, que "la qualité d'apatride ne se présume pas".
Et concluons provisoirement que j'ai mal lu ou mal compris la décision du Conseil d'Etat. Parce que les conséquences de cette décision, au cas où je l'aurais correctement interprétée, me semblent vertigineuses.
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NB : a titre subsidiaire, cette note vise à vérifier que mon appeau à Eolas fonctionne toujours.
Mis en ligne par Emmanuel à 22:25 | Lien permanent |