03 février 2008

Paris outragé! 

Eric Le Boucher se désole dans sa dernière chronique du déclin économique de Paris, capitale sacrifiée sur l'autel de la solidarité territoriale à la française. Sur Econoclaste, SM a déjà largement démonté tout ce qu'il y a d'imprécis (parle-t-on de Paris, ou de l'Ile-de-France?), de contradictoire ou de simplement absurde (l'augmentation des places en crèche à Paris comme signe de la muséification de la capitale???) dans le propos du chroniqueur du Monde.

Il y a un autre problème : contrairement à ce que pourrait laisser croire le discours officiel sur l'aménagement des territoires, la thèse d'une stagnation de la région parisienne au profit de la province (en tout cas, des aires dynamiques de la province) est totalement démentie par les faits. On peut trouver sur le site d'Eurostat des données sur la croissance annuelle moyenne des régions européennes entre 1995 et 2004 (au niveau NUTS 2, pour les puristes). Pour la France métropolitaine, le résultat est le suivant :




Il est exact qu'on observe une tendance à la baisse de la part de Paris, entendu comme le seul département 75, dans le PIB français. Mais cette baisse est plus que compensée par la croissance de son immédiate périphérie. Les chiffres d'Eurostat sur la variation en pourcentage de la part des départements (nous sommes au niveau NUTS 3, cette fois-ci) dans le PIB national entre 1995 et 2004 sont éloquents en ce qui concerne la région parisienne :



S'il y a rééquilibrage, ce n'est donc pas entre la région parisienne et la province mais, au sein de la région parisienne, entre les Hauts-de-Seine et tous les autres départements franciliens. Cela pose à l'évidence des problèmes politiques, les transferts d'activités économiques s'accompagnant également de transferts de ressources fiscales. Mais on voit mal pourquoi ce serait un problème du point de vue de la "compétition mondiale des métropoles du XXIe siècle" dont parle pompeusement Le Boucher. Comme le note justement SM :
je suis surtout étonné de lire que la banlieue parisienne est sortie de l'aire économique de Paris. En réalité, je vois mal comment dissocier les deux. Et encore plus peut-être comment parler de l'exode vers la banlieue des emplois et des habitants pour finalement parler de déclin de l'ïle de France, dans son ensemble. Difficile de dire que Paris est en concurrence avec Londres, New York, Amsterdam ou Singapour et de raisonner uniquement sur le département 75..
D'autant que ce qui différencie vraiment Paris des autres grandes métropoles citées par Le Boucher est justement l'exiguïté de son espace intra-muros (87 km², contre 166 pour Amsterdam, 704 pour Singapour, 785 pour New York et 1577 pour le Grand Londres). Que des activités économiques consommatrices en espace au sol se localisent au-delà du périphérique n'a finalement rien que de très logique.

NB : à propos, est-ce vraiment trop demander d'un commentateur économique que d'être capable d'aller consulter (et comprendre) des statistiques officielles? Les bons chroniqueurs économiques de langue anglaise, de Martin Wolf à James Surowiecki en passant par les rédacteurs anonymes de The Economist, le font régulièrement. Au nom de quoi les Français n'en seraient-ils pas aussi capables? Et non, je ne crois pas que ce soit à cause du contenu marxiste des manuels de SES.