25 novembre 2008

Lâcheté mal placée 

Encore un attentat en Corse (contre la voiture banalisée, et heureusement vide au moment de l'explosion, du directeur adjoint de la PJ d'Ajaccio), encore une condamnation rituelle de la part des autorités :
La ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie a condamné "avec la plus grande fermeté" cet attentat. Dans un communiqué, elle a dénoncé "cet acte lâche" et renouvelé "sa confiance et son soutien à l'ensemble des forces de l'ordre engagées en Corse".
Rien que de très classique. Mais l'invocation de la lâcheté après chaque acte terroriste ne laisse pas d'être problématique. Supposons, par exemple, que les auteurs de l'attentat aient détruit la voiture à coups de masse, en plein jour, esquivant habilement les tirs des membres des forces de l'ordre arrivés en renfort pour tenter de mettre fin à leurs agissements. A suivre le raisonnement de la ministre de l'Intérieur, leur acte aurait certainement été plus courageux. Aurait-il pour autant été moins condamnable? Evidemment non.

De fait, la mention n'est pas seulement inutile. Elle est véritablement dangereuse, dans la mesure où elle laisse à penser qu'il y a lieu de distinguer entre deux types d'actes terroristes : les actes "lâches", qu'il y a lieu de condamner avec la rituelle "plus grande fermeté" ; et les actes courageux, pour lesquels, je suppose, la fermeté de la condamnation pourrait être un peu moins grande. Conclusion absurde, évidemment. Mais qui démontre l'absurdité du discours officiel.

Comme l'écrivait fort justement Timothy Noah dans Slate, un certain 11 septembre 2001 (et il fallait un certain courage pour l'écrire ce jour-là) :
In truth, notions of "cowardice" and "bravery" are entirely irrelevant when we contemplate the horrors of terrorism. To call a terrorist "cowardly" is to substitute testosterone for morality. Somehow it isn't enough to abhor an act of terrorism or even to promise to make the terrorist pay dearly. The rules demand that the terrorist be branded a sissy. This is not only a childish reflex, but one that weakens the moral force of the condemnation and thereby dishonors terrorism's victims. After all, we don't want brave people to slaughter innocent people any more than we want cowardly people to do so.