22 janvier 2012

La dernière blague d'André Santini 

Le Journal du Dimanche soulève un intéressant problème juridique, au détour d'une brève que je cite en intégralité, en y rajoutant mes italiques :
Ancien ministre et maire d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), André Santini a décidé de briguer un sixième mandat de député. Le centriste, proche de Nicolas Sarkozy, ne veut prendre aucun risque dans cette circonscription où Jean-Paul Huchon a, pour la première fois, dépassé la droite lors des régionales. André Santini a donc demandé à Isabelle Debré, sénatrice UMP, d’être sa suppléante. Une rareté qui soulève des interrogations constitutionnelles.
Sans qu'il soit besoin de mêler la constitution à cette affaire (de minimis non curat constitutio), l'interrogation est la suivante : une sénatrice peut-elle être la suppléante d'un candidat à l'Assemblée nationale?

Contrairement à ce que pourrait laisser penser l'article du JDD, la réponse est en réalité fort simple : non. L'article L.O. 134 du code électoral proscrit en effet expressément une telle hypothèse, de façon à assurer la disponibilité permanente et effective du remplaçant d'un député :
Un député, un sénateur ou le remplaçant d'un membre d'une assemblée parlementaire ne peut être remplaçant d'un candidat à l'Assemblée nationale.
La suppléante envisagée par M. Santini est donc inéligible, ce qui conduirait le Conseil constitutionnel, dans sa fonction de juge électoral et en vertu d'une jurisprudence ancienne, à annuler son éventuelle réélection.

Que faire pour éviter une aussi fâcheuse extrémité?

La solution la plus simple serait de trouver un suppléant éligible.

Une autre option serait qu'Isabelle Debré démissionne de son mandat de sénatrice avant les élections législatives, l'éligibilité des candidats s'appréciant à la date des élections. Cela ferait le bonheur de Rocco Georges Siffredi, premier candidat non-élu sur la liste que l'UMP avait présenté pour les élections sénatoriales dans les Hauts-de-Seine en septembre 2011. Mais on peut douter que cette solution suscite un franc enthousiasme de la part d'Isabelle Debré.

La solution la plus élégante, en fait, serait qu'André Santini accepte d'être le suppléant d'Isabelle Debré. Ce serait tout à fait conforme au droit : un sénateur peut être candidat à l'Assemblée nationale (son mandat de sénateur cessant automatiquement s'il est élu député) et André Santini pourrait être suppléant dans la mesure où son mandat actuel de député aura expiré à la date de l'élection. Il ne reste plus qu'à convaincre le maire d'Issy-les-Moulineaux que, passé un certain stade, le cumul des mandats est "plus une faiblesse qu'une force".