12 octobre 2006
Au vu de mes positions précédentes sur le sujet, je ne peux que me réjouir de la soudaine et tardive conversion de Jacques Chirac à la religion du dialogue social. Et je suis pas le seul, apparemment, puisque tout le monde (ou presque) se félicite de l'introduction dans la future loi Larcher d'un article obligeant le gouvernement à consulter les partenairs sociaux avant toute révision du code du travail. Comme le dit Chirac lui-même, avec les grands mots qui vont bien :
Nous fixons une règle nouvelle : il ne sera plus possible de modifier le code du travail sans que les partenaires sociaux aient été mis en mesure de négocier sur le contenu de la réforme engagée. Et aucun projet de loi ne sera présenté au Parlement sans que les partenaires sociaux soient consultés sur son contenu.Seul petit problème : cette disposition n'aura qu'une efficacité juridique limitée. D'abord parce qu'il sera toujours possible de modifier le code par voie d'amendement parlementaire. Il suffira simplement à l'exécutif de trouver un député pour déposer l'amendement qu'on lui aura soufflé et une majorité docile (mais je me répète) pour le voter pour que la concertation promise n'ait pas lieu. Le gouvernement pourra alors jurer ses grands dieux qu'il n'a pas renié son engagement mais que l'assemblée est souveraine, et blablabla.
Ensuite et surtout, pour la bonne et simple raison que ce qu'une loi peut faire, une autre loi peut le défaire. L'exemple classique est celui du principe de non-retroactivité, solennellement énoncée par le Code civil en son article 2 :
La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif.Si ce principe s'impose au pouvoir réglementaire, il n'empêche en rien le législateur de voter une loi rétroactive (modulo les contraintes que font peser en ce domaine, et c'est heureux, les jurisprudences de la Cour européenne des droits de l'homme et du Conseil constitutionnel en matière de lois de validation et de lois pénales). Il en ira de même concernant l'obligation de concertation préalable : un gouvernement futur pourra fort bien s'asseoir dessus, pour peu qu'il le fasse par la loi. Et le Conseil constitutionnel n'y trouverait absolument rien à redire.
On me dira que l'engagement n'est pas tant juridique que politique. Certes, mais c'était aussi le cas de la promesse faite dans l'exposé des motifs de la loi relative à la formation professionnelle toute au long de la vie et au dialogue social, promulguée le 4 mai 2004 :
Le Gouvernement prend l'engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail.Engagement qui n'avait nullement empêché la large concertation que l'on sait avant que le CPE ne soit introduit par amendement gouvernemental dans le projet de loi sur l'égalité des chances.
Mis en ligne par Emmanuel à 01:01 | Lien permanent |