31 août 2007

Le graphique du jour 

Piqué dans une publication récente de la DARES (pdf) et destiné d'abord à Koz, qui a visiblement du mal à comprendre la différence entre durée du travail hebdomadaire et nombre total d'heures travaillées à l'échelle d'un pays. Et encore davantage qu'il puisse être possible de voir le second augmenter alors même que la première baisse.



Autrement dit : les 35 heures n'ont pas empêché les Français de travailler (globalement) plus en 2002 qu'en 1997. Parce que le nombre d'emplois créés sur la période a plus que compensé la baisse de la durée hebdomadaire du travail.

François Hollande a donc parfaitement raison sur le fond : il existe d'autres possibilités que l'augmentation de la durée du temps de travail pour "travailler plus". Sur la forme, il y a quand même quelques chances que son affirmation ("sous le quinquennat de Jacques Chirac, le nombre d’heures travaillées n’[a] pas dépassé le volume global de travail atteint pendant les cinq années du gouvernement Jospin de 1997 à 2002") soit infirmée par les chiffres du premier trimestre 2007.

Add. (02/09) : comme il est toujours aussi compliqué d'avoir un débat serein sur les 35 heures, et que j'ai décidément du mal à me faire comprendre en cette matière, je me permets une analogie pour tenter de mieux exposer mon argument. Supposons qu'un gouvernement de droite totalement ficitif se soit engagé dans une stratégie de baisse importante des impôts. Stratégie qui est, comme il se doit, vertement critiquée par l'opposition.

Un jour, le Premier ministre déclare qu'il est "plus que jamais nécessaire de réduire le déficit des comptes publics". Emoi des blogueurs supporters de l'opposition, qui accusent immédiatement le chef du gouvernement d'hypocrisie ("comment peut-il prôner l'équilibre des finances publiques alors qu'il conduit une politique qui consiste à réduire les recettes de l'Etat?").

Sauf que la critique n'est pas décisive. D'une part parce que la baisse des impôts influence le comportement des agents économiques et peut permettre, si elle est bien calibrée, d'avoir des effets dynamiques sur l'économie qui permettent de compenser une partie de la baisse mécanique des rentrées fiscales (la thèse selon laquelle la baisse d'impôts est entièrement financée, voire pemet à terme d'augmenter les recettes fiscales, grâce au surcroît de croissance induit, étant réservée aux fanatiques, aux charlatans et au ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique).

D'autre part, et surtout, il est tout à fait possible de prendre des mesures complémentaires qui permettent de réduire le déficit public tout en baissant les impôts. Comme une diminution des dépenses publiques supérieure à la baisse des recettes induites par les réductions d'impôts. Ou encore, de façon moins "soutenable", la vente massive d'actifs publics ou l'échange d'un flux de créances à long terme contre un paiement (comptable) immédiat.

On retrouve la même configuration avec les propos de François Hollande sur les 35 heures et le "travailler plus". D'une part, l'effet "création d'emplois" des 35 heures a permis de réduire la perte sèche mécanique sur le nombre total des heures travaillées : si l'on reprend le chiffre de 350 000 créations d'emplois directes de l'INSEE (pdf), un calcul à grosses louches permet de trouver que ce effet dynamique compense environ 25% de la diminution des heures travaillées dûes au passage du temps de travail hebdomadaire moyen de 38,7 heures en 1998 à 35,7 heures en 2002 (je reprends les données de la DARES pour le temps de travail et un chiffre estimé de 15,8 millions d'emplois dans l'ensemble des secteurs concurrentiels en juin 1998 - le calcul est biaisé par le fait que les champs ACEMO et INSEE ne sont pas comparables).

D'autre part, d'autres mesures gouvernementales et la bonne fortune macroéconomique des années Jospin ont permis des créations d'emploi qui ont plus que compensé l'effet négatif de la RTT sur le nombre total des heures travaillées. Est-ce que cela veut dire que, ceteris paribus, baisser la durée moyenne du temps de travail hebdomadaire permet d'augmenter le nombre total des heures travaillées? Evidemment pas, pas plus que la baisse des impôts ne permet de réduire le déficit. Mais il est tout à fait possible d'y parvenir une fois que les autres choses ne sont plus égales par ailleurs.