06 mai 2004

Plan-plan 

J'avais promis de faire preuve de mesquinerie sur le plan Sarkozy. Je crois que je vais m'abstenir. D'abord parce qu'il faut bien que j'abandonne, au moins une fois de temps en temps, mon ironie facile. Ensuite parce que, finalement, le paquet de cadeaux fiscaux présenté par notre bon ministre d'Etat ne se prête guère aux remarques acerbes.

L'enrobage sarkozien et l'engouement pavlovien d'une bonne partie des commentateurs ne sauraient en effet faire illusion : les mesures présentées ne sont que la reprise et/ou la continuation de la politique conduite par Francis Mer. Un programme d'orthodoxie budgétaire classique, avec privatisations, gel des dépenses publiques et respect affiché des critères du Pacte de stabilité. Au risque de me fâcher avec une bonne partie de mon lectorat (c'est à dire plus de la moitié de ma dizaine des lecteurs), je soutiens que ce type de programme, au vu des circonstances actuelles, n'est pas sans mérites. D'un côté, Sarkozy, beaucoup plus que Mer, a la capacité de peser sur les arbitrages budgétaires, à la fois pour imposer des coupes sombres dans les budgets des autres ministères et aussi pour bloquer, au moins en partie, une nouvelle baisse de l'IRPP. De l'autre, le couple baisse des déficits / baisse de l'épargne privée pour relancer la croissance est une stratégie parfaitement défendable, qui rappelle un peu le cercle vertueux de l'administration Clinton. Je suis donc d'accord, bien qu'il m'en coûte, avec Bernard Spitz.

Le problème est évidemment que les promesses inconsidérées du candidat Chirac (qui je le rappelle, s'appuyaient sur une hypothèse de 3% de croissance annuelle entre 2002 et 2007) ont largement réduit les marges de manoeuvre. Ce qui fait que les mesures de soutien à la consommation sont bien faiblardes, et qu'elles ne seront pas suffisantes pour neutraliser l'effet contracyclique du tour de vis des finances publiques. En plus, et là je partage l'avis d'Eric Heyer, elles sont plutôt mal ciblées car elles ne s'adressent vraiment qu'aux contribuables payant beaucoup d'impôt sur le revenu. Et c'est vrai qu'il y a comme une légère contradiction à créer de nouvelles exonérations fiscales pour relancer la consommation, tout en annonçant son intention de réduire le nombre de niches fiscales (ce qui est bienvenu mais politiquement très délicat : comme le dit le député Gilles Carrez, "dans chaque niche il y a un chien").

Beaucoup de bruit pour pas grand chose, donc. Paradoxalement, les mesures les plus intéressantes ont été annoncées ou proposées en marge de la conférence de presse de mardi dernier. C'est d'une part la vraie bonne réforme de la perception de la redevance, dont le coût de collecte devrait être allégé via un couplage avec la taxe d'habitation et le rendement amélioré avec une chasse aux fraudeurs plus agressive (il faudra néanmoins que le croisement des données fiscales et des fichiers d'abonnées au câble et satellite passe l'obstacle du Parlement). C'est aussi un contre-programme économique socialiste qui tient globalement la route, avec des propositions de réforme fiscale et de refonte/augmentation de la prime pour l'emploi. C'est certes loin d'être parfait, surtout concernant la politique de l'emploi, mais cela rattrape quelque peu la désastreuse impression laissée par le programme européen du PS.