11 août 2004

Retour au Vénézuela 

J'ai failli la manquer. Hier, Libération a publié une tribune en réponse à la ridicule ode pro-chaviste de la semaine dernière (dont j'avais parlé ici, vous vous rappellez?). Signée du documentariste Michaël Prazan qui a au moins l'honnêteté de reconnaître qu'il "n'est pas un spécialiste de la politique vénézuelienne". Et qui annonce bille en tête son intention de dézinguer le texte des sieurs Brustier et Francard, qu'il caractérise comme "un point de vue en forme de panégyrique, tissé de contre-vérités et d'opinions à l'emporte-pièce".

Autant dire que j'étais plutôt bien disposé à l'égard du texte de Prazan. Surtout que les deux premiers paragraphes de sa tribune rassemblent beaucoup de bons arguments sur la nature, le bilan et l'opposition au régime chaviste. A part peut-être qu'il me paraît sous-estimer la force de frappe médiatique de l'opposition et le soutien populaire à Chavez. Mais je me dis que je chipote, vu que je partage sa thèse principale : le bilan du président vénézuelin est assez désastreux, et l'opposition va bien au delà de celle de la bourgeoisie droitière, corporatiste et proaméricaine.

Et puis, subitement, on part dans le délire le plus total. D'abord, Prazan affirme que :
Les USA, contrairement à ce que l'on peut penser, contrairement aux déclarations intempestives de l'administration Bush et aux affirmations de MM. Brustier et Francard, se satisfont largement du gouvernement Chavez qui parvient, vaille que vaille, à maintenir le pays dans une stabilité relative, nécessaire pour exploiter des richesses pétrolières.
Je tombe des nues. Il me semblait pourtant bien que les Etats-Unis de Bush étaient allés bien au-delà des simples déclarations intempestives. Par exemple en étant le seul pays occidental à ne pas condamner le coup d'Etat avorté d'avril 2002. Mais je suppose que l'attitude de l'administration Bush a tellement changé depuis deux ans qu'il est superflu de mentionner cet épisode.

Prazan continue, entamant bille en tête son dernier paragraphe par une phrase à peine croyable :
Il faut donc avoir le courage de le dire : le gouvernement Chavez est une escroquerie qui ne perdure que grâce au soutien international, et notamment celui de la France.
Donc : Chavez n'a strictement aucun soutien de la part de la population vénézulienne. Et l'influence de la France est tellement grande en Amérique latine qu'elle peut y faire et y défaire les régimes à sa guise (Maximilien de Habsbourg peut bien sûr en attester).

J'avoue que je suis un peu découragé. Nous sommes, je le rappelle, en pleine campagne électorale au Vénézuela. Pas vraiment étonnant que les partisans du non (à la révocation de Chavez) peignent le tableau d'un pays qui nage dans un océan de justice, de démocratie et de prospérité, et que les partisans du oui fassent exactement l'inverse. Ce qui est plus surprenant, et inquiétant, est que des observateurs extérieurs prennent le diagnostic d'un camp ou de l'autre pour argent comptant. Autant prétendre éclairer le lecteur sur le bilan de Bush en allant interroger des hommes d'affaires à la sortie d'un fundraiser à Houston ; puis en contre-attaquant avec l'avis des organisateurs d'une réunion d'art contemporain à Manhattan.

J'attends, sans trop y croire, l'intervention d'un vrai spécialiste de la politique vénézuelienne dans ce débat.