08 février 2005

C'est lundi 

J'allais oublier : c'est (à quinze minutes près) le jour de Thomas Piketty dans Libé. Sa dernière chronique porte sur les quotas d'immigration et, comme souvent, elle fait bien le tour de la question. Après avoir expliqué pourquoi le système proposé par le président de l'UMP est une mauvaise idée (position qui semble consensuelle parmi les spécialistes de la question), Piketty en profite pour renouer avec un genre qui commençait à nous manquer, celui du "haro sur Sarko" :
Un exemple bien plus souple et réactif d'intervention est l'arrêté Aubry de 1998 simplifiant les procédures suivies par un employeur souhaitant embaucher un salarié étranger. Le principe général selon lequel l'employeur doit apporter la preuve que le poste ne peut être rempli par aucun chômeur inscrit à l'ANPE est en effet appliqué de façon drastique en France, ce qui contribue à faire fuir vers d'autres cieux nombre de salariés qualifiés, originaires de l'OCDE ou du Sud. Cette mesure parmi d'autres a contribué à l'ouverture migratoire réelle menée sans tambour ni trompette, en France, de 1997 à 2001. Il suffit de se rappeler que l'arrêté Aubry a été abrogé en 2003 par Sarkozy pour mesurer les véritables intentions du président de l'UMP, et la candeur qu'il y aurait à tomber dans son piège.
Sauf que, pour une fois, la flèche de Piketty semble louper sa cible. Parce qu'il est bien difficile de retrouver un arrêté pris par Martine Aubry (ministre de l'emploi) en 1998 qui aurait été abrogé par Nicolas Sarkozy (ministre de l'intérieur) en 2003.

En fait, il semble que Piketty confonde avec l'abrogation de certaines dispositions d'un arrêté Dufoy de 1984 (pdf) par un arrêté Fillon de 2003 (sur Legifrance). La référence à un arrêté Aubry est encore plus obscure, à moins qu'il ne s'agisse d'une confusion avec deux circulaires de 1998 visant à faciliter l'embauche d'informaticiens étrangers (le bug de l'an 2000 faisait très peur à l'époque, d'où des mesures exceptionnelles).

Cette remarque dans un pur souci d'exactitude, bien entendu. Cela ne remet pas en cause le caractère assez scandaleux du régime français d'embauche des travailleurs étrangers.