03 août 2005

De l'évolution des salaires en Amérique : graphique final 

Pour ceux que ça intéresse encore, voilà ce que donne le graphique qui me troublait tant jeudi dernier une fois effectué deux importantes corrections :

1. Le passage du déflateur donné par le BLS (CPI-W) pour le Implicit Price Deflator for Personal Consumption Expenditures (IPD-PCE) utilisé par le Bureau of Economic Analysis. Le changement était nécessaire à la fois pour assurer une comparaison adéquate avec les chiffres de la comptabilité publique du BEA et parce que le IPD-PCE est généralement considéré comme un meilleur déflateur.

2. La correction du chiffre du salaire horaire pour prendre en compte l'augmentation des cotisations patronales (à la fois pour Social Security et Medicare et pour les plans retraites et santé privés).



Le salaire horaire superbrut moyen a donc bien augmenté depuis le milieu des années 1960 aux Etats-Unis. La progression sur 40 ans est de 37%, soit 0,8% par an - un chiffre très inférieur à la hausse annuelle du PIB/h sur la même période (+2,3%). Il faut aussi noter que les deux tiers de la hausse des salaires a eu lieu entre 1964 et 1978 (+24%) . La période qui commence à la fin des années 1970 voit au contraire un léger recul du salaire horaire, jusqu'à une nouvelle franche progression à partir du milieu des années 1990.

Je ne pense pas que les corrections apportées changent fondamentalement le débat sur l'explication de la faible progression du salaire moyen par rapport à celle du PIB/h (et à celle de la productivité) : est-ce un reflet de l'incorporation à la population active de salariés moins qualifiés (femmes, noirs, immigrés), ce qui fait mécaniquement baisser la moyenne des salaires, ou bien le signe d'une évolution des rapports de force entre le tout venant des salariés et les cadres et dirigeants, qui ont réussi à s'approprier une part croissante du gâteau économique? (Alexandre Delaigue défend la première proposition, je soutiens que la seconde fournit l'explication principale)

Mais force est de constater que le graphique est déjà beaucoup moins effrayant que celui construit à partir des données brutes du BLS. Ce qui rappelle que la plus grande circonspection est toujours nécessaire en face des statistiques. Comme le répète justement Barry Ritholtz, "Torture the data long enough, and it will confess to whatever you want it to."