23 août 2005

"Es ist vorbei" 

Il y a deux façons d'envisager les développements récents de la campagne électorale allemande. La première, consiste à souligner le décalage entre les chances de succès et l'image que renvoie les deux camps. D'un côté, un SPD sur qui personne ou presque ne mise plus un centime qui mène une campagne bien rodée et agressive avec Schröder dans le rôle de la tête d'affiche qui remplit les salles. De l'autre, une CDU/CSU à qui la victoire semble promise depuis longtemps et qui ne cesse de commettre des gaffes (le net/brut de Merkel, les "frustrés" de Stoiber) et d'exposer ses divisions internes (à propos des déclarations de Stoiber ou de la réforme fiscale proposée par Paul Kirchhof, l'ancien juge constitutionnel que Merkel souhaite nommer aux Finances). Energie du désespoir d'une part. Peur de gagner de l'autre. C'est l'angle choisi par The Economist et par l'édition internationale de Der Spiegel.

La seconde interpétation est la même que la première, à une différence près. Elle ajoute en effet au paradoxe initial un paradoxe supplémentaire : malgré l'entrée en scène tonitruante du Chancelier, malgré les bourdes à répétition de la droite, les sondages n'ont quasiment pas bougé. Le SPD n'a toujours pas réussi à repasser la barre des 30% d'intentions de vote (voir le graphique volé à Der Spiegel ci-dessous).





Les déclarations de Stoiber ont bien plombé la cote de popularité du ministre-président de la Bavière (-14% dans le dernier baromètre du Spiegel!) mais elles n'ont nullement affecté les intentions de vote pour la CDU en Allemagne de l'est. Pour quelle raison? Un article du Süddeutesche Zeitung de samedi dernier en avançait deux : soit la réaction dans l'ensemble très critique des dirigeants de la CDU à la sortie du leader de la CSU a permis de prouver aux électeurs que Merkel était définitivement sortie de l'ombre d'Edmund Stoiber; soit la CDU a déjà atteint son étiage en Allemagne de l'est, et rien ou presque ne pourra la faire descendre plus bas. Dans les deux cas, de toute façon, c'est une mauvaise nouvelle pour le SPD.

Quoi qu'il en soit, le surplace du SPD a surpris les sondeurs eux-mêmes, comme le soulignait un autre article du Süddeutsche Zeitung de samedi dernier (je traduis grossièrement) :
Pour Matthias Jung de l'institut Forschungsgruppe, le revirement des sondages en défaveur du SPD est une expérience nouvelle. Les élections précédentes avaient été marquées par une remontée des intentions de vote pour les partis au pouvoir au cours de la campagne. Et les événements de la semaine dernière avaient laissé supposé qu'il en serait ainsi cette fois-ci aussi. Mais maintenant, observe Jung, "cette tendance s'est brisée". Des surprises sont certes encore possibles dans les quatre prochaines semaines, en particulier si les électeurs "décident de leur vote au dernier moment". "On peut cependant croire à un affaiblissement durable du SPD". Et le retard des rouges-verts est de toute façon "irattrapable".
Bien sûr, le discours officiel du SPD est que l'élection est encore loin, que la moitié des électeurs reste indécis et que la campagne du parti n'a pas encore atteint son plein potentiel. Mais, quand les micros sont coupés, les cadres du parti tiennent un discours beaucoup plus pessimiste : "es ist vorbei" (c'est terminé) confie une source du SPD au Süddeutsche Zeitung. On en revient donc au scénario qu'on pressent depuis le mois de juin, d'autant plus que le dernier obstacle juridique à la tenue des élections sera, s'il faut en croire le scoop du Neuen Ruhr/Neuen Rhein Zeitung, levé jeudi avec la décision du Tribunal constitutionnel : une victoire aisée de la CDU, Merkel s'installant au Willy-Brandt-Straße 1, le seul suspens qui reste portant sur la nature de la coalition au pouvoir (CDU/FDP ou CDU/SPD).

Et puis, ce n'est pas comme si des inondations catastrophiques allaient encore sauver Schröder cette fois-ci. N'est-ce pas?