01 septembre 2005

Clientélisme fiscal 

Après avoir brillamment réussi à restaurer la confiance des Français, Villepin s'attaque donc à la réforme du système fiscal, et notamment à celui de nos impôts qui est le plus lourd, le plus confiscatoire et le plus pénalisant pour l'activité économique et le pouvoir d'achat des classes moyennes.

Bernard Salanié
critique vertement la rhétorique du Premier ministre et rappelle quelques vérites élémentaires sur la définition des classes moyennes, sur la réalité de l'effet désincitatif de l'IRPP à ses niveaux actuels et sur la courbe en U des taux marginaux d'imposition. Il a entièrement raison.

Cela dit, il me semble qu'on aurait tort (mon avis diffère donc de celui de Versac sur point) de de rejeter en bloc l'ensemble des mesures fiscales annoncées par Villepin : la mensualisation et l'augmentation de la prime de l'emploi me semblent ainsi, a priori, de très bonnes mesures, qui corrigent en partie les faiblesses actuelles du dispositif (voir sur l'évaluation de la PPE, un bilan publié par la revue de l'OFCE ainsi que le compte-rendu d'un débat sur la question). La suppression de l'abattement de 20% combinée à une baisse des taux "faciaux" de l'IRPP va également dans le bon sens, même si tout indique qu'aucune mesure ne sera prise pour neutraliser le transfert en faveur des foyers très riches que suppose la disparition automatique du plafonnement (fixé à 117 900 € en 2004) des sommes pouvant bénéficier de l'abattement.

Surtout, il me semble nécessaire d'éviter de mettre le prochain rapport du Conseil d'analyse économique sur la fiscalité rédigé par Jacques Le Cacheux et Christiant Saint-Etienne dans le même sac que le fourre-tout du plan Villepin. Il est évidemment trop tôt pour se prononcer définitivement (le rapport ne sera rendu public que le 22 septembre, même si certains journalistes semblent avoir pu le lire depuis juillet) mais tout ce qui a filtré jusqu'à présent est vraiment très encourageant : élargissement de l'assiette pour baisser les taux (tant sur l'IRPP que sur l'IS), suppression de la plupart des niches fiscales et augmentation de la CSG de façon à moins faire peser le poids de prélèvements sur les salaires. Et le tout à recettes fiscales constantes. Je suis certes assez sceptique sur la nécessité de baisser le produit de l'IS (les études sérieuses sur la question montrent que la France se situe plutôt dans la moyenne européenne quand on corrige les effets d'assiette), mais, pour le reste, il y aurait de quoi s'enthousiasmer, à condition d'oublier qu'il s'agit là, quand même, de fiscalité.

Rien n'indique pourtant que ce genre de proposition, qui peut mettre d'accord deux économistes de sensibilité très différence (un keynésien, un libéral), réussira à créer un consensus au sein de la classe politique. A gauche, il suffira de mettre en avant la baisse des taux faciaux ou la suppresion de l'ISF (remplacée par une tranche supplémentaire d'IRPP) pour que le plan soit qualifié de monstruosité néolibérale. D'autant que l'affirmation de Jacques Cacheux selon laquelle la réforme "est dans l'esprit de celle que Ronald Reagan avait faite en 1986" a peu de chances d'être interprétée comme un signe évident de progressisme et de qualité. Alors que ce devrait être le cas.

Quant à la droite, elle est, à quelques exceptions près, plus préoccupée par les intérêts immédiats de sa clientèle des beaux quartier que par l'efficacité et la justice du système fiscale. Le rapport a donc toutes les chances, au mieux de finir sur une étagère, au pire d'être exploité par tous les petits valets du grand capital sur le thème "vous voyez bien que même les économistes de gauche disent qu'il faut baisser l'impôt sur le revenu pour redresser la France qui tombe".

Mille fois hélas.

Add. : il est évidemment de bonne guerre que le gouvernement fasse de la communication. Ce qui est désespérant, par contre, c'est que Le Monde reprenne sans broncher le baratin villepinien sur les "classes moyennes" :

Cependant, les revenus moyens sont les grands gagnants de cette réforme. La réduction de sept à quatre tranches "devrait avantager la majorité des contribuables et surtout les classes moyennes" , estime Julien Séraqui, co-auteur du Fiscal de la gestion de patrimoine .
Et l'article est stupidement titré : Les revenus moyens, grand gagnants du big-bang. C'est à des détails comme celui-là qu'on reconnaît la grande qualité de la presse française.