17 octobre 2005

Chérie, j'ai rétréci le Wall Street Journal 

On avait relevé dernièrement l'étonnante tendance des grands quotidiens à passer du rouge au bleu. La nouvelle formule du Wall Street Journal, pour ses éditions Europe et Asie, illustre un autre mouvement de fond : la réduction du format, pour réduire les coûts d'impressions et flatter un lectorat qui dit majoritairement préférer les petites tailles - au moins pour son journal quotidien.

Un rapide coup d'oeil, règle en main, sur la nouvelle édition montre que le WSJE n'a pas fait dans la demi-mesure. Ou plutôt si : le quotidien matinal des marchés, qui faisait jusqu'à présent dans les grandes largeurs (58 cm x 41), rétrécit subitement au format tabloïd (41 cm x 29). Soit une réduction de grosso modo pile poil 50% de surface de page en moins. Un autre changement de taille est la disparition des cahiers : les pages consacrées aux marchés financiers trouvent leur place après la section consacrée aux éditoriaux et commentaires, la rubrique carrière et management se retrouvant à la fin du journal.

Le gros point positif de cette nouvelle formule est que le journal est logiquement beaucoup plus maniable qu'auparavant. J'ai pu, ce soir, tourner les pages du WSJE dans un métro bondé, chose qu'il était impossible de faire par le passé sans mettre en péril l'intégrité physique des voyageurs à proximité. Le revers de la médaille est que le nouveau format tabloïd (ou compact, comme préfèrent l'appeler en Europe les responsables du WSJ) évoque immédiatement, au moins pour un lecteur français, la forme, et donc le fond, d'un journal gratuit. Préjugé? Evidemment. Mais il est difficile de le mettre totalement de côté pendant la lecture. Sans doute est-ce une question d'habitude.

Plus problématique est l'absence d'explications détaillées concernant la nouvelle formule dans le numéro d'aujourd'hui : le WSJE se contente d'une note du directeur de publication sur une colonne en page 2 et d'un très court éditorial pour assurer à ses fidèles que le journal reste le même malgré sa nouvelle présentation. Il aurait été plus utile d'imiter le Figaro, qui s'était dernièrement fendu d'un cahier spécial pour présenter et expliquer les changements de sa maquette à ses lecteurs.

Qu'on se rassure, néanmoins : les pages éditoriales du WSJE sont toujours aussi délectables. L'édition du jour contient ainsi, outre un édito à la sauce Dolchstoßlegende sur l'Irak, un affligeant commentaire de l'affligeant Christopher Hitchens, qui conteste violemment le prix Nobel de littérature accordé à Harold Pinter au nom de l'anti-américanisme supposé du dramaturge britannique et du fait qu'il n'aurait rien écrit de notable depuis les années 1960. Ce qui est une manière aussi irritante que stupide d'aborder la question, comme l'a très justement relevé Matthew Yglesias (1, 2).