25 octobre 2005

Copé et l'OFCE enfin réconciliés! 

Je faisais part jeudi dernier de ma suspicion à propos du "démenti" de Jean-François Copé quant à l'étude de l'OFCE affirmant que 70% des gains de la réforme de l'impôt sur le revenu reviendraient aux 20% des ménages les plus aisés. Il me semblait en effet qu'il était parfaitement possible, et éminemment plausible, que les chiffres de l'OFCE et ceux du sous-ministre du Budget soient tous les deux exacts. Je suis désormais quasiment certain que c'est effectivement le cas.

Henri Sterdyniak de l'OFCE m'a en effet gentiment transmis l'étude en question (il en est l'un des coauteurs) et une note interne qui comprend des éléments complémentaires, en particulier les chiffres ci-dessous concernant le gain à la réforme, calculé par l'OFCE, par vingtile de la répartition des revenus.


Source : Modèle MisME fiscalo-social OFCE.

[note technique : le "quantile de revenu par UC par an" signifie qu'on a divisé le revenu annuel des foyers fiscaux par un chiffre correspondant à leur taille et à leur composition - UC signifiant "unité de consommation". Cette opération permet de comparer le niveau de vie entre des foyers dont la taille et la composition est différente. Voir le site de l'INSEE pour plus de précisions]

Dès lors, il est facile de réconcilier les affirmations de l'OFCE et celles de Copé. 20% des plus riches obtiennent 70% des gains à la réforme de l'impôt sur le revenu, affirme l'OFCE? En aditionnant le gain des vingtiles 17 à 20, on constate en effet que c'est le cas, et même davantage, puisqu'on obtient un gain total de 75,7% (60,2% en comptant aussi l'augmentation de la prime de l'emploi).

Le gouvernement réplique que les personnes gagnant entre 10 000 et 40 000 euros par an obtiendront 70% des gains? Il y a de fortes chances pour que ce soit vrai aussi. Si l'on raisonne en quantile de revenu par unité de consommation, la population désignée par Copé commence grosso modo au 4e vingtile et s'arrête au milieu du 19e. En excluant le 19e vingtile, le gain total à la réforme (impôt sur le revenu et prime pour l'emploi) de cette population est de 56%. En incluant le 19e vingtile, on passe à 64,7%. Il suffit de se rappeler que Copé parle de "personnes" et pas de foyers pour voir qu'il est tout à fait possible de monter jusqu'à 70% : comme le note justement l'OFCE, un foyer constitué de deux salariés gagnant 40 000 euros par an se situerait ainsi largement dans le plus haut vingtile de la distribution des revenus...

Une chose demeure certaine, néanmoins : les déclarations du sous-ministre du budget sont clairement destinées à induire les citoyens et la presse en erreur, en leur faisant croire que l'essentiel du gain de la réforme serait capté par les classes "modestes et moyennes".

Divisons par exemple la population entre trois classes à peu près égales : les classes modestes (vingtiles 1 à 6 de la répartition des revenus), les classes moyennes (vingtiles à 7 à 14) et les classes aisées (vingtiles 15 à 20). En reprenant le tableau de l'OFCE, on constate ainsi que les 30% les plus pauvres bénéficient de 8,9% des gains de la réforme, les 40% intermédiaires de 20% et les 30% les plus riches de 71%. Et, bien entendu, les gains sont concentrés au sommet de cette tranche de 30%.

C'est peut-être une bonne politique (je ne le pense pas, mais le gouvernement pourrait au moins tenter de le soutenir). Mais c'est tout sauf une politique ciblée sur les classes moyennes.