20 octobre 2005

Non-denial denial 

L'OFCE a rendu public hier une note montrant que -surprise, surprise- la grande réforme de l'impôt sur le revenu prévu pour le budget 2007 allait surtout profiter aux riches :
[A]près avoir effectué de nombreuses simulations, l'OFCE juge que la seule réforme de l'impôt sur le revenu, applicable en 2007 sur les revenus 2006, bénéficiera de manière très inégale aux foyers fiscaux en fonction de leurs revenus et du quotient familial. Selon ses calculs, la réforme prévoyant, notamment, un nouveau barème comportant quatre tranches d'imposition au lieu de six, permettra de restituer aux Français 3,6 milliards d'euros. Mais sur ce montant, près de 70% iront aux 20% des foyers imposables les plus aisés.
Dans la mesure où les riches payent, en valeur, plus d'impôts que les pauvres, il n'est pas vraiment étonnant qu'une baisse des taux d'un impôt, surtout s'il est progessif, finisse le plus souvent par avantager majoritairement les ménages les plus aisés. Mais ce genre de révélation n'est pas franchement faite pour arranger un gouvernement qui avait juré en septembre, la main sur le coeur, que la réforme était ciblée sur les classes "modestes et moyennes". (Bernard Salanié et Versac avaient à l'époque justement rappelé la malhonnêteté de cette référence aux "classes moyennes")

Il fallait donc envoyer le brave soldat Copé au front, pour démentir vigoureusement les calomnieuses assertions des crypto-marxistes de l'OFCE. Et, contrairement à ce qu'annonce la dépêche d'Associated Press qui relaie ses propos, ce n'est pas du tout ce qu'a fait le sous-ministre du Budget :
"Je persiste et signe", "je confirme totalement nos chiffres: 70% du coût de la réforme va bien aux personnes qui gagnent entre 10.000 et 40.000 euros par an", a affirmé M. Copé dans les couloirs de l'Assemblée nationale, en marge de l'examen du budget 2006.
Admettons que l'OFCE et Copé parlent bien de la même chose, c'est-à-dire des revenus par foyers fiscaux. Ce qui me semble plus que douteux, dans la mesure où la référence aux "personnes" n'est sans doute pas là par hasard et qu'il ne m'étonnerait pas que le gouvernement cherche à piéger tout le monde au jeu des définitions. Mais admettons néanmoins. Même dans ce cas, il est parfaitement possible d'imaginer une situation dans laquelle 70% du coût de la réforme de l'IRPP profite aux 20% des ménages les plus riches ET 70% du coût aillent aux ménages dont le revenu entre 10 000 et 40 000 euros par an. Il suffit juste que les deux catégories se recoupent en partie.

Supposons par exemple qu'un ménage gagnant 40 000 euro par an se situe exactement au 90e centile de la distribution des revenus, et qu'un ménage gagnant 10 000 euro se situe à P20. Il est alors facile de trouver une répartition des bénéfices de la réforme qui puisse rendre les affirmations de l'OFCE et celle de Copé en même temps vraies. Par exemple, une situation où 30% du bénéfice de la réforme irait aux ménages qui se situent entre P20 et P80, 40% à ceux entre P80 et P90 et 30% à ceux qui se trouvent au-dessus de P90.

Dans un tel cas, la référence aux 70% qui profitent aux ménagent gagnant entre 10 000 et 40 000 euros cache le fait que la grande majorité des bénéfices de la réforme revient aux ménages qui gagnent un peu moins et plus, voire beaucoup plus, que 40 000 euros.

Bien entendu, mon exemple n'est qu'un exemple. Mais il correspond à peu près à ce que semble faire le gouvernement : la phrase de Copé laisse à penser que les bénéfices de l'IRPP relooké par Villepin sont à peu près également répartis entre ceux des ménages qui touchent de 10 000 à 40 000 euros par an. Alors que ce n'est évidemment pas le cas.

NB : quand je dis "l'OFCE a rendu public", il faut bien entendu comprendre "a rendu public à la presse". La note n'est évidemment pas disponible sur le site de l'OFCE. Les Echos propose de télécharger l'étude sur son site, mais cette possibilité est réservée aux abonnés du quotidien ou à ceux qui sont prêts à payer la somme forfaitaire de 2 euros. Donc pas à moi.