09 novembre 2005

Mid-midterms 

Nous sommes (quand je débute cette note) le mardi 8 novembre. C'est-à-dire le mardi suivant le premier lundi de novembre. Et donc, depuis une loi de 1845, le jour des élections fédérales américaines.

Mais nous sommes aussi en 2005, c'est-à-dire une année impaire. Et les élections fédérales américaines n'ont lieu que les années paires : toutes les années paires pour les élections à la Chambre des représentants (renouvelable dans son intégralité tous les deux ans) et pour les élections au Sénat (renouvelable par tiers tous les deux ans); toutes les années divisibles par 4 pour les élections présidentielles.

Cela dit, un nombre non-négligeable d'Américains se rendra néanmoins aux urnes aujourd'hui. Car les états et les communes américaines choisissent souvent d'organiser aussi leurs élections les plus importantes le mardi suivant le premier lundi de novembre (d'autres élections ont lieu au printemps). La grande majorité de ces élections a lieu les années paires, de façon à profiter de la médiatisation des élections fédérales pour réduire l'absentation. Mais quelques états et communes organisent leurs élections les années impaires.

Cette année, l'attention s'est focalisée sur quatre consultations :

1. L'élection du gouverneur de Virginie : les Virginiens ne font rien comme tout le monde et, en plus d'organiser leurs élections (pour le poste de gouverneur, de vice-gouverneur, de ministre de la justice et pour la chambre basse de l'Etat) en année impaire, ils ont décidé que le mandat de 4 ans du gouverneur de l'état ne serait pas renouvelable. Ce qui fait que le très populaire Mark Warner (Démocrate) ne peut pas se représenter cette année, ce qui lui laissera du temps pour préparer sa probable campagne pour les primaires démocrates de 2008. Puisque que la Virginie fait partie des états du Sud bushiste, les Républicains semblaient tenir l'occasion de reprendre un poste de gouverneur aux démocrates.

Mais le candidat républicain, Jerry Kilgore, s'est fait rattraper puis dépasser dans les sondages par le Démocrate Tim Kaine. Un peu à la suprise générale, il faut bien le dire. Une victoire de Kaine serait le signe que les Démocrates peuvent être compétitifs dans le Sud, validant ainsi la stratégie dite des "50 états" d'Howard Dean à la tête du parti démocrate. Elle montrerait aussi, si l'on suit Mark Murray, que les démocrates peuvent rivaliser avec les Républicains sur le thème de la religion (The Nation avait aussi publié le mois dernier un long reportage sur la façon dont Kaine cherchait à briser l'image élitiste et technocratique des démocrates par une campagne de terrain et la mise en avant de la thématique des "valeurs").

2. L'élection du gouverneur du New Jersey : c'est un peu le miroir inversé de l'élection en Virginie. A priori, le sénateur Jon Corzine (démocrate) avait tout pour emporter facilement un poste de gouverneur remis en jeu après la démission très médiatisée du gouverneur démocrate Jim McGreevey en novembre 2004. Tout, en particulier une réserve d'argent phénoménale, souvenir de son passé à la tête de la banque d'affaires Goldman Sachs. Mais les derniers sondages laissent présager une élection beaucoup plus serrée qu'on ne le pensait il y a encore quelques semaines. Une victoire du candidat républicain Doug Forrester serait néanmoins une énorme surprise dans un état qui reste traditionnellement démocrate.

3. L'élection du maire de New York : l'attention vient ici uniquement du statut de New York. Pour le suspens, il faudra repasser : le maire républicain Michael Bloomberg est assuré depuis longtemps de la victoire. Parce qu'il est très populaire et très riche, ce qui lui a permis de déclencher un blitz publicitaire dont il n'avait probablement pas besoin pour se faire réélire. Cela dit, rien ne sert de se lamenter sur le fait que la mairie de New York reste désespérement aux mains des alliés de Bush. Non seulement les Républicains de New-York sont très à gauche du centre de gravité de leur parti, mais en plus Bloomberg ne s'est présenté en tant que Républicain en 2001 que pour éviter des primaires démocrates trop encombrées. Il était auparavant inscrit sur les listes électorales en tant que Démocrate et a gouverné au centre, ce qui explique que le New York Times appelle des deux mains à voter pour lui.

4. Les référendums en Californie : l'état le plus peuplé de l'Union est aussi le paradis des référendums, proposés sur l'initiative des électeurs en vue d'adopter une loi ou de modifier la constitution californienne. Cette année, les Californiens devront se prononcer sur pas moins de 8 propositions (numéros 73 à 80) d'une mesure visant à rédécouper les circonscriptions électorales (proposition 77) à une obligation pour les médecins d'avertir les parents d'une mineure qui voudrait avorter (proposition 73). Schwarzenegger a tenté de redresser une cote de confiance à des niveaux abyssaux en jouant une nouvelle fois sur la corde de l'appel au peuple face aux méchants législateurs de Sacramento et en faisant campagne pour quatre des huit propositions. En pure perte, s'il faut en croire les derniers sondages, qui laissent à penser que les quatre propositions soutenues par le gouverneur seront rejetées.

On connaîtra les résultats dans la nuit. Les enseignements nationaux, dans la perspective des midterms de 2006, seront tirés sur la base des élections en Virginie et au New Jersey. Le succès ou non de ses quatre propositions déterminera en partie le futur d'un Schwarzenegger qui se rapproche dangereusement des niveaux d'impopularité qui avait valu à son prédécesseur démocrate Gray Davis de se faire brutalement éjecter de son poste de gouverneur en octobre 2003.

Add. (09/11) : à part l'échec sans appel des référendums soutenus par la gôche dans l'Ohio, ce fut une excellente nuit. Ce qui n'a pas empêché le grand spécialiste de la politique américaine Alexandre Adler de soutenir sans rire ce matin sur France Cul (Real Audio) que la victoire de Bloomberg était la preuve de la popularité de Bush à New York. Mais bien sûr. Constatons que, sur cette analyse, Adler est plus bushisto-crétin que K-Lo, ce qui n'est pas un petit exploit.