14 janvier 2006
Avant d'être en mal d'inspiration, Guillermo était en manque de Schadenfreude. La comparaison de la cote de confiance du résident de l'hôtel Matignon avec ses prédécesseurs devrait lui mettre un peu de joie mauvaise au coeur.
Ceux qui ont suivi les épisodes précédents apprécieront à sa juste valeur la lente mais méthodique remontée de Dom dans le classement historique. Le voilà donc devant Cresson et Juppé et Bérégovoy. C'est à n'en pas douter un bien bel exploit. Mais est-ce suffisant pour affirmer, comme le prétendait un éditorial du Figaro de mardi dernier, que
Depuis sa nomination le premier ministre [...] a imposé une stature et une autorité dont témoigne son bon niveau de popularité dans les sondages? [La typographie présente parfois des pièges redoutables] Assurément pas. D'autant que le véritable mérite de Villepin est, d'après le baromètre TNS Sofres, de ne pas être plus impopulaire aujourd'hui qu'au moment de son entrée en fonction (le chiffre de janvier 2006 est exactement le même qu'en juillet 2005 : une cote de confiance de -10). Et cette impopularité initiale était, comme on l'a déjà souligné, exceptionnelle, dans le mesure où Villepin est le seul premier ministre depuis 1981 a avoir eu une cote de confiance négative à son arrivée à Matignon.
Cela dit, la note de Guillermo appelait aussi un second commentaire, sur les divergences de résultat entre les instituts. Alors que TNS Sofres enregistrait en janvier une rechute du premier ministre vers des niveaux de claire impopularité (solde de confiance de -10), l'Ifop constatait au contraire une progression spectaculaire, qui plaçait Villepin à son meilleur niveau deans l'opinion (+16) depuis son entrée en fonction. Une tel écart a de quoi rendre perplexe.
Il l'est d'autant plus quand on considère les résultats des différents instituts concernant la cote de confiance de Villepin depuis son entrée en fonction :
Gardons nous cependant de crier trop rapidement au complot et/ou de tomber dans ce nihilisme sondagier que dénonçait avec raison Olivier Duhamel jeudi matin sur France Cul' (lien RealAudio). Car il y a plusieurs biais qui peuvent expliquer la dispersion des résultats sans qu'il soit nécessaire d'évoquer une erreur humaine ou un redressement orienté.
D'abord, les sondages ne sont pas tous conduits à la même date : tel institut parlera de résultats pour janvier à propos d'un sondage réalisé fin décembre, tel autre pour une enquête effectuée vers le 20 du mois de janvier. Ainsi, le dernier baromètre TNS Sofres pour le Figaro Magazine a été réalisé les 20 et 21 décembre 2005, tandis que le tableau de bord Ifop pour Paris Match l'a été les 5 et 6 janvier 2006. Au vu des quelques événements qui se sont déroulés entre temps, l'écart entre les deux instituts est moins surprenant qu'il n'y paraît de prime abord.
Ensuite, la question posée n'est pas strictement identique selon les instituts : certains sondent "l'opinion" de X et Y en tant que Président et Premier ministre (BVA, LH2), d'autres la "confiance" envers l'exécutif (CSA, TNS), un autre enfin l'approbation ou la désapprobation quant à l'action du chef de l'Etat et du chef de gouvernement (Ifop). Certains instituts proposent une échelle de 4 réponses : LH2 demande si l'opinion du sondé est "très positive", "plutôt positive", "plutôt négative" ou "très négative", réponses qui sont ensuite agrégées en deux sous-ensembles (positif et négatif). D'autres soumettent aux sondés un choix binaire : la veuve de Carpentras appelée par CSA doit ainsi décider si elle fait "confiance" ou "pas confiance" à Domique de Villepin pour "pour affronter efficacement les principaux problèmes qui se posent au pays ?".
Il faut enfin, évidemment, prendre en compte l'intervalle de confiance statistique du résultat d'un sondage : il y a de fortes chances, pour un échantillon de taille raisonnable (c'est le cas quand on interroge 1 000 personnes) que le résultat annoncé se situe très près (pas plus de quelques points de pourcentage) de celui qu'on aurait trouvé si toute la population avait pu être interrogée. Mais il n'est pas totalement exclu qu'on tombe sur une valeur très éloignée de la réalité.
Dans l'état actuel des choses, le mieux à faire est sans doute d'attendre les résultats de CSA et de BVA pour janvier. Le problème de décalage de date (non, ce n'est pas une contrepètrie) demeura, mais il devrait néanmoins être possible d'évaluer sur le résultat du baromètre de l'Ifop pour janvier 2006 est ou non une aberration, comme disait le prédécesseur de Mme Parisot à la tête du MEDEF.
Mis en ligne par Emmanuel à 00:15 | Lien permanent |