27 janvier 2006

Vendredi, les ours sont de sortie 

Au vu des nouvelles macroéconomiques du jour, Stephen Roach va avoir du mal à résister à un immense "I told you so" dans sa prochaine chronique pour Morgan Stanley :
The American economy grew at its slowest pace in three years in the fourth quarter, the government reported today, as spending by consumers and the federal government weakened significantly.

The nation's gross domestic product, the broadest measure of domestically produced goods and services, increased at a 1.1 percent annual rate in the quarter, to $11.23 trillion, and the economy posted a 3.5 percent growth rate for the full year, the Commerce Department reported. This is the first of three estimates that the government releases and the revisions it makes can be significant.

Economists had expected growth to slow to 2.8 percent in the fourth quarter because sales of automobiles and other goods were known to have fallen significantly from earlier in the year.
Les blogueurs aux tendances ursines, de Kash à General Glut en passant par Brad Setser, ont évidemment sauté sur la nouvelle, en voyant dans ce ralentissement brutal et inattendu les prodromes d'une correction annoncée depuis plusieurs années. Etrangement, les marchés n'ont quasiment pas réagi à la nouvelle, soit qu'ils estiment que la croissance va accélérer à nouveau au premier trimestre 2005, soit qu'ils doutent de la pertinence de la première estimation du BEA, soit qu'ils soient partisans de la ligne "bad news is good news" (parce que cela va inciter la Fed à être plus accommodante sur les taux). Soit les trois en même temps, ou aucun des trois, et de toute façon les analyses qui anthropomorphisent et rationalisent les marchés sont aussi agaçantes que généralement fausses.

Qu'en qu'il en soit, et pour revenir à un de mes dadas, on peut se demander si 2006 ne sera pas l'année qui verra la croissance française repasser enfin devant la croissance américaine. On a tendance à l'oublier, mais c'était le cas en 2000 et 2001, avant que la mise en place des 35 heures par la droite ne ruine la France et ne creuse irrémédiablement l'écart avec les Etats-Unis en 2003, 2004 et 2005. C'est encore plus le cas si l'on essaye de comparer ce qui est comparable, en corrigeant le chiffre de la croissance américaine des différences démographiques (ce que je fais sur le graphique en supprimant un demi-point de pourcentage au chiffre américain : c'est loin d'être orthodoxe, mais ça permet d'avoir une bonne idée de l'évolution comparée des PIB par habitant).





Cela dit, la perspective du (re-)croisement durable des courbes repose sur deux hypothèses fortes. D'abord, que le ralentissement américain observé au quatrième trimestre soit indicateur de la tendance à venir, et donc qu'il ne soit pas possible de tirer encore un peu plus sur les facteurs spéciaux (financement externe permettant de garder des taux d'intérêt bas, politique monétaire et fiscale expansionnistes, baisse massive du taux d'épargne des ménages) qui ont maintenu l'économie des Etats-Unis à flot depuis 2002. Et ensuite que la reprise européenne qui s'esquisse depuis quelques mois ne soit pas compromise par une décélération de la croissance outre-Atlantique. C'est le genre de pari qui a rarement été gagnant depuis quelques années.

Add. (29/01) : graphique et texte corrigés suite aux remarques de Verel.