22 décembre 2006
Ceux qui suivent un peu l'actualité américaine se souviendront de cette pénible polémique sur la soi-disant "guerre contre Noël" qui avait embrasé les médias et la blogosphère américains à la fin de l'année 2005. En gros, les hérauts de la droite chrétienne, relayés par les caisses habituelles de résonance du parti républicain, avaient cru déceler un vaste complot de la part d'une alliance éduco-médiatico-commerciale pour purger toute référence au trop chrétien Noël des magasins, des médias et des salles de classes. Au final, il s'était avéré que cette offensive se résumait à des exemples isolés montés en épingles, quand ils n'étaient tout simplement pas inventés pour les besoins de la cause.
Hélas, si la polémique s'est (un peu) calmée aux Etats-Unis cette année, elle a désormais migré vers l'Europe : à lire Henri Tincq dans Le Monde daté demain, les signes d'une guerre contre les symboles de la fête de Noël se multiplieraient désormais sur le vieux continent. Il ne fait pas de doute que certains des faits rapportés sont véridiques, et que certains comportements inspirés par un politiquement correct simpliste sont aussi absurdes que condamnables. Quoique le jugement ne peut se faire qu'au cas par cas : comme le dit Atrios, il y a une différence fondamentale entre les symboles religieux de Noël (auquel des pouvoirs public laïcs n'ont pas à s'associer) et les symboles laïcs ou laïcisés de Noël (bannir les sapins enguirlandés devant ou dans les mairies serait stupide).
On aurait apprécié qu'Henri Tincq évoque cette distinction, ce qui lui aurait permis d'aborder la question des cantiques de Noël chantés dans les écoles avec davantage de nuances. On aurait surtout aimé qu'il évite de relayer des exemples comme celui-ci :
A Munich encore, au coeur de la Bavière catholique, où les traditionnels Weihnachtsmärkten ("marchés de Noël") sont souvent baptisés, depuis l'an 2000, "Milleniummärkten"C'est le genre de phrases qui a tendance à réveiller brutalement mon détecteur de bullshit, d'autant que ma visite au marché de Noël de Sarrebruck en décembre 2005 ne m'avait pas vraiment permis de découvrir les indices flagrants d'un complot anti-chrétien.
Dans ces cas-là, rien de mieux qu'une petite recherche rapide pour essayer d'évaluer la crédibilité de l'affirmation relayée par Henri Tincq. Résultat sans appel : Google ne trouve que 25 références à "Milleniummarkt", toutes ayant trait à des manifestations en Belgique ou aux Pays-Bas. Contre près de 2 millions en allemand pour "Weihnachstmarkt" et près d'un million pour l'ultra-laïc "Christkindlmarkt". Le troisième résultat en allemand pour Christkindlmarkt est d'ailleurs celui de la page présentant le marché de Noël de Munich sur le site officiel de la ville.
Henri Tincq devrait avoir honte. A ce rythme-là, il sera bientôt bon pour aller officier sur Radio Courtoisie.
Mis en ligne par Emmanuel à 19:47 | Lien permanent |