28 janvier 2005

Proposition fantôme 

Mais où est donc passée la proposition Gélard? Le vendredi 14 janvier, un article du Monde assurait que le sénateur UMP comptait déposer le mardi suivant une proposition de loi constitutionnelle visant à accorder aux anciens présidents de la République le statut de sénateur à vie. Emoi dans la presse, tollé (d'ailleurs infondé) des blogs, vigoureux démentis du Palais quant au fait que cette initiative fut téléguidée. Le mardi, rien ne vint : le sénateur avait-il renoncé à proposer son texte?

Apparemment pas. Mercredi 26 janvier, le sénateur Gélard tenait un chat avec les lecteurs-internautes du Monde. La première question porta sur la date du dépôt de la proposition de loi :
Marie : Quand allez-vous déposer votre projet de loi ?
Et la réponse fut aussi laconique que sans équivoque :
Patrice Gélard : Demain.
Nous avons donc consciencieusement consulté le site du Sénat, hier et aujourd'hui, croyant y trouver le texte et l'exposé des motifs. Toujours rien.

Que se passe-t-il? La première explication est que le site du Sénat n'est pas à jour. Mais alors, comment expliquer que les projets et la proposition de loi datés du 27 janvier, date à laquelle le sénateur devait déposer son texte, soient en ligne? Comment aussi justifier le retard pris par rapport à la date initiale du mardi 18 janvier?

Bien sûr, il est possible que le sénateur ait eu envie d'amender son texte ou qu'il cherche à étendre le cercle des sénateurs signataires de la proposition. Mais cette histoire commence a devenir étrange. Au cours du chat, Patrice Gélard reconnaît que sa proposition n'a aucune chance d'aboutir et qu'il s'agit uniquement "d'attirer l'attention, de jeter le pavé dans la mare et d'obliger le constituant à l'avenir à aborder ce problème.".

Mais quand? Les occasions de réviser la Constitution ne seront pas si nombreuses d'ici à 2007. Jacques Chirac avait certes promis une modification du statut pénal du chef de l'Etat, en suivant les recommandations de la commission Avril. La révision proposée par Patrice Gélard pourrait logiquement y être jointe. Mais il semble que le président n'ait pas envie de mobiliser l'opinion pendant plusieurs semaines sur un sujet qui ne manquerait pas de faire ressurgir des souvenirs embarrassants.

Reste alors la solution de profiter d'une révision constitutionnelle sur un sujet totalement différent pour y ajouter, par un amendement parlementaire, la modification souhaitée par Patrice Gélard. Une telle manoeuvre aurait l'immense avantage de minimiser la couverture médiatique (il suffit de voir le peu d'émoi suscité actuellement par la perspective du référendum automatique) et, plus encore, d'éviter la dangereuse étape du référendum.

J'en viens à craindre le coup fourré. Si la proposition Gélard continue de jouer l'Arlésienne sur le site du Sénat, il faudra regarder avec attention les amendements déposés par les sénateurs au projet de loi constitutionnelle liée au traité constitutionnel européen.