09 mars 2005

La France, ennemie de l'ONU? 

C'est l'accusation absurde que profère à demi-mots l'ancien ambassadeur américain auprès des Nations Unies (1999-2001) Richard Holbrooke dans les pages du Monde d'hier (mes italiques, sauf les dernières) :

Qu'est-ce qui ne va pas à l'Onu ?

Les grandes nations ne la soutiennent pas assez. Elles l'utilisent comme un forum pour leurs désaccords plutôt qu'un endroit de coopération. Le parfait exemple en est le Darfour. Les Français et les Américains n'ont pas réussi à surmonter leurs divergences. Ce n'est pas la faute des Nations unies. C'est celle de la France et des Etats-Unis. Sur le Darfour, comme sur le Rwanda ou la Bosnie, l'échec n'a pas eu lieu à New York, mais dans les capitales. Dans toute mon expérience de politique étrangère, je ne connais pas de question sur laquelle il y ait plus de fausse perception dans le public que sur les Nations unies.

Pourquoi la France, à propos du Darfour ? En France, on a plutôt tendance à penser que le blocage vient de la Chine...

Les Français se sont opposés à des résolutions fortes sur le Darfour. Les Chinois ne s'opposeraient pas, au bout du compte. Les Français ont davantage de liens historiques dans la région, au Tchad par exemple. L'ONU n'est forte que si ses nations principales le souhaitent. Elle ne peut pas être plus puissante que ses membres. Quand ils coopèrent comme ils l'ont fait pour le Timor-Oriental ou l'Afghanistan, alors l'ONU peut réussir. L'administration Bush a fait une sérieuse erreur en minant l'ONU pendant les quatre dernières années. Je voudrais espérer que la France essaie de renforcer l'Organisation.

Ce n'est pas ce qu'elle fait ?

Je n'en sais rien. Ce que je dis, c'est que la France et les Etats-Unis ont tous deux utilisé les Nations unies comme un endroit où batailler. Quand Dominique de Villepin a attaqué Colin Powell, en janvier 2003, au Conseil de sécurité, un certain nombre de conservateurs ont blâmé l'ONU, étrangement. Quand Colin Powell a fait sa présentation malvenue -des preuves contre l'Irak- le 5 février, de nouveau, certains ont blâmé l'ONU. Etrange, non ? L'ONU est un souffre-douleur très pratique.

Il faut quand même un sacré toupet à Holbrooke pour épingler conjointement l'attitude de la France et des Etats-Unis à l'égard des Nations Unies au moment où les deux pays se réclament de la résolution 1559 de l'ONU pour contraindre les troupes syriennes à quitter le Liban. Pour critiquer la politique française sur la question du Darfour, dont nous avons pu constater l'année dernière à quel point elle était courageuse. Et pour douter de la parole de Chirac, dont tous les discours officiels prouvent l'attachement aux institutions multilatérales.

A part ça, il a totalement raison.