12 septembre 2005

Lundi, c'est toujours Piketty 

Cela en suprendra peut-être quelques uns, mais Thomas Piketty n'a pas que des mauvaises choses à dire à propos de la refonte de l'impôt sur le revenu annoncée il y a dix jours par Dominique de Villepin :
S'agit-il d'une simple manoeuvre permettant de recharger les batteries en 2006 pour mieux marquer les esprits des électeurs contribuables en 2007 ? Si l'on prend au sérieux la déclaration du Premier ministre, pas si sûr. En annonçant son objectif de supprimer les abattements de 10 % et 20 % et de revoir complètement le barème pour rendre l'impôt plus lisible, Villepin a ouvert la voie à une réforme enfin ambitieuse de l'IR, fort différente de ce qui a été fait ces dernières années (où l'on s'est contenté de baisser les taux ­ - exemple type de la non-réforme).
Evidemment, tout dépend du crédit que l'on accorde aux déclaration du Premier ministre et de sa capacité à mobiliser sa majorité sarkozyste autour de modifications autres que purement clientélistes. Mais Piketty note que la réforme envisagée est l'occasion idéale pour procéder à deux aménagements nécessaires de notre bon vieil IRPP :
  • La suppression, comme l'a promis Dom' de Vil', des abatements de 10% et 20%, ce qui permettrait de faire baisser les taux nominaux de l'impôt.
  • Le remplacement du système en taux marginaux (qui tend à laisser penser que le montant de l'impôt est beaucoup plus élevé qu'il ne l'est en réalité) par un système en taux moyens, beaucoup plus lisible et transparent pour le contribuable. Dit comme ça, c'est évidemment complètement abscons, voire abstrus. Raison de plus pour aller lire la chronique qui explique ça très bien.
Pour ceux qui suivent les travaux de Piketty depuis longtemps, ces propositions ne sont pas surprenantes : elles étaient déjà longuement évoquées dans son opus major sur les hauts revenus en France au XXe siècle, et aussi dans une excellente (et synthétique) tribune parue dans Le Monde en mars 2002.

Une différence importante, néanmoins, est que Piketty n'évoque pas dans sa chronique pour Libération la réintégration dans l'assiette de l'IRPP des revenus du capital qui font l'objet des mécanismes d'imposition dérogatoires, alors que c'était un de ces chevaux de bataille à l'époque.

Peut-être que cette omission s'explique simplement par un manque de place, ou par le constat que la droite a de toute façon peu de chances de s'attaquer à ce type d'inégalités devant l'impôt. Mais je serais curieux de savoir si l'auteur a changé d'avis sur ce point. Et ce d'autant plus que la fameuse étude de Peter Lindert (pdf) dont j'ai déjà parlé ici fait justement de la moindre taxation des revenus du capital par rapport aux revenus du travail l'une des raisons pour lesquelles les Etats-providence ressemblent à des "repas gratuits" (car le surcroît d'imposition n'a pas, contrairement à ce que prévoit la théorie, d'impact visible sur la croissance économique).