10 février 2006

Un constructeur sort ses griffes... 

...et arrache deux dixièmes de points à la croissance trimestrielle du PIB français :
Les premières estimations du chiffre de croissance, publiées vendredi 10 février par l'Insee, font état d'une croissance de 0,2 % au quatrième trimestre alors que les prévisionnistes s'attendaient à une hausse de 0,5 %. Si cette estimation devait se confirmer, la croissance devrait s'établir à 1,4 % seulement sur l'ensemble de l'année 2005.

A Bercy, on explique ce mauvais chiffre par l'arrêt de la production pendant dix jours dans plusieurs usines de Renault et du groupe PSA Peugeot-Citroën, ce qui "aurait coûté 0,2 point de croissance".
Je suis toujours extrêmement suspicieux vis-à-vis de ce genre d'explications. D'abord on se demande bien pourquoi ce type d'élément, qui n'est pas à ma connaissance un secret d'Etat, ne serait pas pris en compte par les prévisionnistes. Ensuite, j'ai du mal à voir comment les ordres de grandeur pourraient concorder. 0,2 point de croissance trimestrielle représentent un peu plus de 800 millions d'euros.

Le chiffre d'affaires de Peugeot était de 56,8 milliards d'euros en 2004, celui de Renault de 41,3 milliards en 2005. Arrondissons à 100 milliards d'euros le total pour 2005, et supposons généreusement qu'un arrêt de 10 jours coûte (à court terme en tout cas) 5% de la production annuelle pour une usine. Soyons aussi très large et ne convertissons pas le chiffre d'affaires en valeur ajoutée, de façon à prendre en compte les effets indirects sur les fournisseurs et les concessionnaires. Nous voilà déjà à 5 milliards d'euro.

Dans ce cas, il faudrait, pour que l'impact des arrêts de production retranche 0,2 points à la croissance du PIB français, que les usines en cause représentent plus de 15% de la production mondiale des deux groupes automobiles. Ce qui me semble, pour faire dans la litote, assez peu probable.

De deux choses l'une : soit Thierry Breton raconte encore n'importe quoi en espérant que personne ne viendra contester son analyse; soit je me fourvoie gravement quelque part dans mes calculs. Mais je n'arrive pas à voir où.

NB : oui, le chiffre de ce matin fait passer ma récente prédiction macroéconomique et transatlantique pour ce qu'elle était un peu depuis le début : du wishful thinking.

NB2 : non, je n'ai pas le temps de répondre en détail aux diverses objections qu'a déclenchée ma note sur les chances de la gauche en 2007. Ca sera pour lundi, dès que je serai revenu à la civilisation après un détour par la France d'en bas.