31 août 2007

Croissance moins 

Je ne sais pas si l'air de l'Europe centrale y est pour quelque chose, mais je rentre de mes vacances (très bonnes, merci) avec la curieuse envie de refaire des maths niveau secondaire et des statistiques bâclées avec des graphiques moches niveau Excel pour les nuls. Le tout doublé de la pointe de sadisme nécessaire pour infliger ça à mes lecteurs.

Commençons par les maths. On se rappelle que la publication du chiffre décevant de la croissance française pour le second trimestre 2007 avait forcé le gouvernement à faire donner du porte-parole sur le mode "mais bien sûûûr que l'objectif de croissance de croissance retenu dans le budget 2007 reste accesible". A quoi il fût répliqué, par exemple dans cet article du Figaro, qu'il faudrait que la croissance atteigne 0,8% aux 3e et 4e trimestres pour que l'objectif soit effectivement atteint. Pas impossible, mais à tout le moins improbable au vu des performances récentes d'une économie française plombée par les 35 heures, l'ISF, l'euro fort et les méchants nétrangers qui nous piquent tous nos marchés.

Olivier Bouba-Olga, qui reprenait l'article du Figaro, n'était pas convaincu par le calcul. Et, pour étayer ses doutes, de lancer les hostilités mathématiques en plein coeur du mois d'août (ok, Alexandre Delaigue avait commencé avant) :
Si on note T le taux de croissance annuel et t1, t2, t3 et t4 les taux de croissance trimestriels, on a la relation suivante :

1+T = (1+t1)(1+t2)(1+t3)(1+t4)

En supposant que t3 et t4 ont la même valeur, on réécrit comme suit :

1+T = (1+t1)(1+t2)(1+t)²

On connaît t1 (0,5%) et t2 (0,3%), on vise 2% pour T, on en déduit donc t, égal à 0,59%, non pas 0,8% comme annoncé dans le Figaro.
Sauf que, pour une fois, OBO a tort (ou tord, pour mes amis belgodériens). Parce que, comme le lui rappelle judicieusement un commentateur, il confond la croissance en moyenne anuelle et en glissement annuel (rappel : j'ai commis il y a longtemps deux notes que je crois pédagogique sur ces notions).

Ce qui importe, en effet, pour les prévisions budgétaires, est la croissance en moyenne annuelle, qui correspond à l'augmentation du PIB total sur l'année n+1 par rapport à l'année n. Notamment parce que le chiffre de la croissance détermine l'augmentation prévisible des recettes fiscales (modulo un coefficient d'élasticité desdites recettes au PIB, qui devrait tangenter l'unité sur le moyen terme mais a tendance à être assez volatile à court terme, je renvoie le lecteur intéressé aux oeuvres complètes du sénateur Marini).

Bon, rien ne vaut une bonne vieille illustration numérique pour mieux faire comprendre tout ça. Reprenons les chiffres fournis par l'INSEE (série longue ici) pour la période qui nous intéresse.





La question à laquelle a répondu Olivier Bouba-Olga était : "quelle croissance faudrait-il atteindre aux 3e et 4e trimestres 2007 pour que le PIB trimestriel à la fin de 2007 soit de 2% supérieur au niveau atteint à la fin de 2006?" En termes numériques, cela équivaut à chercher le x qui permet de résoudre l'équation :

(1) 404,34 * x * x = 400,87 * 1,02

En calculant et en arrangeant, on trouve facilement :

x² = 408,89 / 404,34
x = 1,011241 ^(1/2)
x = 1,005605

Soit, exprimé en pourcentage, x = +0,56%. On retombe peu ou prou sur le chiffre trouvé par Olivier Bouba-Olga (+0,59%), la différence s'expliquant par le fait que j'utilise les données complètes et pas des arrondis à un chiffre après la virgule pour la croissance du 1er et 2e trimestres 2007.

Mais, comme dit précédemment, ce qui nous importe est la croissance en moyenne annuelle. La question à laquelle il faut répondre est alors la suivante : "quelle croissance faudrait-il atteindre aux 3e et 4e trimestres 2007 pour que le PIB total sur l'année 2007 soit de 2% supérieur au niveau atteint sur l'année 2006?". Autrement dit, il faut trouver le x qui permet de résoudre cette équation :

(2) 403,04 + 404,34 + (404,34 * x) + (404,34 * x²) = 1594,67 * 1,02

En calculant et en arrangeant, on trouve assez vite :

807,38 + 404,34 x + 404,34 x² = 1626,56
404,34 x² + 404,34 x - 819,18 = 0

Les esprits perspicaces auront remarqué qu'on tombe sur une équation du second degré (de la forme ax² + bx + c = 0) qui, bien qu'elle réveille en moi des souvenirs douloureux de cours de maths au lycée, a l'immense avantage de pouvoir être résolue à l'aide de formules apprises par coeur. En commençant par ce bon vieux delta égal à b² - 4ac.

Comme l'html a horreur des barres de divisions et encore plus des racines carrées, je vous passe le fastidieux détail des calculs, et j'arrive directement aux résultats. On trouve deux x permettant de résoudre l'équation, l'un égal à -2,00862 qu'il est judicieux de rejeter instantanément et l'autre égal à 1,00862 qui, une fois correctement retraité, nous permet d'aboutir à un pourcentage d'augmentation de 0,86%. On retombe sur le chiffre cité par la Figaro, modulo le fait qu'il aurait été plus judicieux d'arrondir à +0,9%, plutôt que de tronquer à 0,8%.

Et sur la même conclusion : les chances que l'objectif de croissance du budget 2007 soit atteint apparaissent aujourd'hui bien faibles, même en retenant le bas de la fourchette. Au moins, ça donnera un piquant supplémentaire au brouet que devrait nous concocter la commission Attali (je crains, hélas, que Aghion, Delpla et Cotis ne se sentent rapidement bien seuls).