17 novembre 2005
Mardi dernier, au cours de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée, le ministre de l'Economie Thierry Breton faisait une bien étrange réponse à une fausse question du député de l'Essonne Georges Tron à propos de la croissance économique en France :
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Les chiffres annoncés par l'INSEE la semaine dernière confirment ce que M. Copé et moi annoncions depuis plusieurs mois, à savoir que la conjoncture se retourne. Nous n'avions pas alors été entendus, mais tous les indicateurs montrent que les mesures prises sous l'impulsion du Premier ministre commencent à porter leurs fruits. Pas encore assez, mais la tendance est là.Laissons de côté le baratin gouvernemental classique qui attribue le regain de croissance au troisième trimestre à des mesures que Villepin avait à peine eu le temps de prendre. Et intéressons-nous à ce chiffre pour le moins étonnant d'une "tendance annualisée" de 2,8% "pour 2006".
Que n'avions-nous pourtant entendu lors de la présentation du budget ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Par exemple que l'on ne ferait pas plus que 1,1 % de croissance en 2005. Or, nous en sommes à 1,5 % acquis. Que n'avions-nous entendu sur l'insincérité des prévisions ! Or, la tendance annualisée pour 2006 est de 2,8 % ! Nous avons quant à nous décidé de proposer une valeur médiane de 2,25 %, qui nous semble réaliste et réalisable.
Etonnant, parce qu'on peut vraiment, à première vue, se demander d'où il vient : comme le rappelle Thierry Breton, la prévision du gouvernement pour 2006 est de 2,25%; les économistes interrogés par The Economist début novembre faisaient état d'une prévision moyenne de 1,6%; la tendance actuelle de la croissance française, sur un an, après les chiffres du troisième trimestre, est de 1,7%; enfin, même si cela n'a pas grand sens de le calculer aujourd'hui, l'acquis de croissance pour 2006 (la croissance moyenne de 2006 si la croissance du PIB était nulle pendant les 5 trimestres prochains) est de 0,4%.
Toujours aucune trace des 2,8% de Thierry Breton. En fait, et j'ai mis un petit bout de temps avant de m'en apercevoir, le chiffre est simplement la croissance, en rythme annuel, sur le troisième trimestre 2005 (0,7*4). Chiffre qui n'a bien entendu que très peu à voir (sauf par le tortueux canal de l'acquis de croissance) avec ce que sera la croissance moyenne en 2006. Bien sûr, sur le plan économique, la reprise du troisième trimestre permet d'être un peu plus optimiste pour l'année prochaine. Mais prétendre que le chiffre annualisé sur le dernier trimestre prouve que la prévision budgétaire pour 2006 était en fait très prudente s'apparente à du foutage de gueule pur et simple.
J'en viens à me demander si le ministre de l'Economie et son sous-ministre ne font pas la course à celui qui sortira la statistique la plus malhonnête sans se faire remarquer.
Mis en ligne par Emmanuel à 20:27 | Lien permanent |
