29 février 2008

Graffiti 

Enfin! Comme Yglesias en son temps, ça fait un moment que j'attends que quelqu'un me tague, non pas à la bombe de peinture, mais pour le jeu idiot des "6 choses insignifiantes que mes lecteurs ne savent pas sur moi".

Contrairement à Yglesias, et grâce à Gizmo, je n'ai finalement pas eu à réclamer. Mais j'avais déjà préparé ma petite liste :

1. A l'époque où j'étais complètement mordu de la série Friends, j'ai fait le pélerinage de Burbank pour assister à un tournage dans les studios de la Warner. On peut retrouver mon rire un rien forcé sur la laugh-track d'un épisode de la saison 6.

2. J'ai filé un jour un ticket de bus à Robert Gordon à la sortie d'une conférence à Paris où il venait de présenter un article. Je lui avais aussi filé une idée de recherche que je trouvais brillante mais il ne l'a pas utilisée, elle.

3. Il y a quelques années, j'ai dû à un concours de circonstances assez incroyable la chance de me retrouver invité à l'Elysée pour une réception avec petits fours, champagne, brochette ministérielle et gratin du CAC 40.

4. Je me suis fait arrêté par la police en France, au Canada et aux Etats-Unis (pas en même temps, hein). Et, non, je ne révélerai rien de plus que le fait que je m'en suis bien sorti à chaque fois.

5. Lors de ma prime jeunesse, j'ai gagné un quizz organisé par le conseil général qui m'a valu d'être désigné "ambassadeur junior" de mon beau département. En dépit de mon titre, les autorités départementales n'ont jamais fait appel à moi par la suite pour une quelconque mission de représentation.

6. Le Vicomte de Bragelonne est le livre qui m'a fait le plus pleurer. D'accord, j'étais jeune et sensible au moment de la lecture, mais le final - qui voit succomber tour à tour le vicomte de Bragelonne, le comte de la Fère, le baron de Bracieux et le comte d'Artagnan et laisser l'évêque de Vannes triompher - est absolument déchirant.


L'insignifiant est-il significatif? Pour augmenter la taille de l'échantillon, je passe le relais à :

Oli, qui est revenu.
Versac, pour son retour.
Phersu, pour le faire revenir.
Eolas, pour voir s'il y a autre chose que le droit pénal, le thé et le rugby dans sa vie.
Xochipilli, que je lis avec plaisir depuis peu.
Brad Plumer, s'il lui arrive encore de passer par ces pages.

22 février 2008

Le maillot qui valait 30 millions 

Observation à la con du jour : soit Nike est victime de la malédiction du vainqueur, soit les négociateurs de FFF étaient spécialement mauvais en 2004, quand le précédent contrat avait été attribué à Adidas pour 10 millions d'euros par an.

Ou alors Nike est très confiant quant à l'évolution future des résultats de l'équipe de France (qui va gagner tous les titres entre 2011 et 2018, période de pic de performance de Benzema) et/ou à sa capacité à faire vendre, ceteris paribus évidemment, beaucoup plus de maillots de l'équipe de France que ne parvient à le faire aujourd'hui Adidas.

L'explication du "spécialiste du marketing sportif" cité dans la dépêche AFP ne fait qu'augmenter ma perplexité :
Pour Nike, poursuit ce connaisseur du dossier, peu importe l'investissement. C'est la place de N.1 qui les intéresse. Adidas en revanche, calcule traditionnellement le retour sur investissement en termes de vente de produits dérivés.
Perso, si j'étais actionnaire de Nike et que j'entendais la direction explique qu'elle préfère le prestige (être l'équipementier n°1 sur les grandes-équipes-qui-comptent-dans-le-football-mondial, quitte à payer des sommes déraisonnables) au retour sur investissement, je retirerais mes billes tout de suite.

Je suppose qu'on peut raisonnablement arguer que la place de n°1 permet d'améliorer l'image de la marque, et donc de générer un retour sur investissement plus indirect sur l'ensemble des produits, au-delà des seuls maillots de l'équipe dont on vient d'acheter les droits à prix d'or. Mais ce n'est pas vraiment l'impression que donne l'article.

La bonne nouvelle, quand même, est qu'on va être débarassé au plus tard dans 3 ans de ces atroces nouveaux maillots extérieur.
Proximitude 

Etrange passage dans la biographie du candidat socialiste à la mairie de Marseille sur le site du conseil général des Bouches-du-Rhône qu'il préside (le conseil, pas le site) :
Jean-Noël Guérini est né le 1er Janvier 1951 à Calenzana en Corse, un village proche de Bastia, qu’il quitte lorsque ses parents viennent s’établir à Marseille.
La personne qui a écrit ça n'a jamais dû foutre un pied, ou une roue de voiture en Corse. C'est aussi incongru que de dire que Villeneuve-d'Ascq est une ville proche de Paris. Calvi est encore un peu connu, non?

19 février 2008


Splendide erratum, à la fin d'un article par ailleurs tout à fait oubliable du New York Times :
Correction: February 19, 2008
An article in some editions on Monday about a New York City Transit employee’s deft use of the semicolon in a public service placard was less deft in its punctuation of the title of a book by Lynne Truss, who called the placard a “lovely example” of proper punctuation. The title of the book is “Eats, Shoots & Leaves” — not “Eats Shoots & Leaves.” (The subtitle of Ms. Truss’s book is “The Zero Tolerance Approach to Punctuation.”)
Puisque les deux sont cités dans l'article, j'en profite pour conseiller la brillante critique du livre de Lynne Truss par Louis Menand.

10 février 2008

NSTV 

Reportage sur TF1, juste avant l'intervention solennelle de Nicolas Sarkozy :
Forte de son oui au traité de Lisbonne, la France abordera la présidence de l'Union européenne au second semestre avec la tête haute.
Et les mains sales?

07 février 2008

Maljournalisme ordinaire 

Quelques bribes d'un reportage au journal du soir de Canal Plus à propos des trois arrêts de la Cour de cassation sur les enfants nés sans vie :
  • "en cherchant à combler un vide juridique, la Cour de cassation..."
  • "en l'absence de loi..."
  • "la Cour de cassation donne au foetus le statut de personne".
Aucune mention du fait que la Cour de cassation ne fait qu'appliquer strictement (et, à mon sens, justement) le second alinéa de l'article 79-1 du Code civil. Aucun commencement de début d'analyse juridique sérieuse. Comment faisait-on, avant la blogosphère?

NB : c'est moi ou le médiateur de la République n'a rien compris non plus aux arrêts de la Cour? J'ai du mal à voir en quoi des arrêts portant sur le second aliéna de l'article 79-1 montre la nécessité d'une loi précisant les termes du premier alinéa.

04 février 2008

Le crime du 4 février 

Cet après-midi, dans la salle des séances de l'aile du Midi du château de Versailles, devant les parlementaires réunis en Congrès pour voter l'adoption d'une révision constitutionnelle qui ouvre la voie à une ratification rapide du traité de Lisbonne, le Premier ministre a apostrophé les réticents et les opposants en ces termes :
A ceux qui, pour des raisons de forme, contestent les modalités d'adoption du traité de Lisbonne par la voie parlementaire et à ceux qui, pour des raisons de fond, s'opposent à ce traité, je pose une question simple : voulez-vous réellement relancer l'Europe ou préférez-vous son enlisement ?
Je savais que le vote annoncé des parlementaires me ferait mal. Mais, même prévenu, je n'arrive pas à lire ce genre de phrases sans ressentir une rage sourde, douloureuse. Parce qu'au fondement même d'un système démocratique se trouve le principe selon lequel les questions de forme, de procédure sont primordiales. Et que la fin, aussi louable soit-elle, ne saurait justifier les moyens.

Les moyens, en l'espèce, sont déplorables, tant le choix de confier au Parlement, et non au peuple, le vote sur la loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne s'est appuyé sur un tissu de mensonges, désolant écho des arguments fallacieux des partisans du non en 2005. Et la fin, je le crains, repose sur une illusion funeste.

Lire la suite
Commençons par démonter les mensonges.

Non, d'abord, l'abandon du terme "constitution" dans le titre et le contenu du traité modificatif ne change absolument rien sur le plan juridique. Le traité constitutionnel ne "constitutionnalisait" pas les politiques de l'Union, pour la bonne raison que les traités européens forment déjà la "charte constitutionnelle de base" (CJCE, "Les Verts" contre Parlement européen, 22 avril 1986) de l'Union européenne, au sens où ils se situent au sommet de la hiérarchie des normes propres à l'espace juridique européen. Le traité établissant une constitution pour l'Europe avait eu le tort de la franchise. Le traité modificatif préfère en revenir à une confortable hypocrisie. Mais le principe de primauté du droit communautaire demeure.

Non, il n'y a rien de contre-nature à ce qu'un Etat ratifie un traité se nommant Constitution. Ou alors, il faudrait que la France dénonce sans tarder la Constitution de l'Organisation mondiale de la santé.

Non, présenter des modifications aux traités existants sous une forme consolidée (traité constitutionnel) ou sous forme de liste d'amendements (traité modificatif) ne change pas le résultat juridique de l'opération. La partie 3 est moins directement visible dans le traité de Lisbonne que dans le traité constitutionnel mais elle y est toute aussi présente.

Non, le traité de Lisbonne n'est pas substantiellement différent du traité constitutionnel. Les quelques modifications de fond apportées ne sauraient justifier un changement d'avis sur le texte que pour quelques électeurs marginaux (aux sens aussi bien comptable qu'économique du terme), par exemple ceux qui étaient prêts à approuver le traité mais y auraient renoncé en raison de la présence de quelques oripeaux symboliques. Le traité aurait-il été substantiellement différent, d'ailleurs, que cela n'autoriserait pas davantage à se passer de l'avis du peuple qui avait refusé la première version.

Non, ce traité n'est pas simplifié. Il est même délibérément obscure, de façon à cacher aux électeurs le fait que l'histoire repasse les plats qu'ils avaient cru pouvoir renvoyer. La Commission européenne le reconnaissait d'ailleurs ouvertement en juillet dernier, avec une désarmante franchise qui ressemblait fort à du dépit (pdf) :
La suppression de quelques éléments, dont certains revêtaient un caractère symbolique, ainsi que de changements qui ont réduit la lisibilité du texte du traité constituaient les éléments nécessaires à un accord global susceptible d'être adopté par la totalité des Etats membres.
Non, ce n'est pas être opposé à la démocratie représentative que de réclamer un parallélisme des formes dans l'adoption du traité constitutionnel et du traité de Lisbonne. Il n'est certes pas illégitime que le Parlement français autorise la ratification d'un traité européen : il l'a déjà fait à plusieurs reprises, pour le traité de Rome, pour l'Acte unique, pour le traité d'Amsterdam et pour le traité de Nice et certains de ces textes étaient autrement plus conséquents que le traité modificatif. Ce qui est scandaleux, en revanche, est que le Parlement autorise la ratification de ce traité-là, qui ressemble comme deux gouttes d'eau, au-delà de la présentation juridique, à celui que le peuple a rejeté en mai 2005.

Non, enfin, le vote du peuple pour élire un président de la République ne saurait inverser le résultat d'un référendum. Les élections présidentielles servent à élire un homme à la tête de l'Etat : elles lui donnent, à condition de disposer d'une majorité favorable à l'Assemblée nationale, les moyens juridiques d'appliquer un programme; mais elles ne valent pas acceptation automatique de tous les éléments, a fortiori les éléments obscures et spéculatifs, de ce programme.

L'illusion funeste est celle de croire que l'Europe est "enlisée" dans le schéma institutionnel actuel, alors même que la prise de décision, contrairement à ce qu'on pouvait craindre, n'a pas été entravée par l'élargissement. Celle d'oublier que le grand apport du traité constitutionnel n'était pas tant de rendre les institutions européennes plus efficaces que de les faire plus légitimes. Cette promesse de légitimité était déjà racornie par l'obscurcissement délibéré du traité modificatif. Elle est aujourd'hui foulée aux pieds du fait du refus de la voie référendaire.

Que les choses soient bien claires : j'ai voté en faveur du traité constitutionnel en mai 2005 et le seul regret que je garde, deux ans après, est de ne pas avoir pu, ou su, convaincre plus de monde de voter "oui"; si l'autorisation de ratifier le traité de Lisbonne était soumise à référendum, je voterais oui sans l'ombre d'une hésitation ; je ne crois pas que les politiques communautaires actuelles aient provoqué, ou empêchent de résoudre, les problèmes actuels de la société et de l'économie françaises ; je suis farouchement libre-échangiste, raisonnablement convaincu de la nécessité de l'indépendance des banques centrales et partisan d'une politique de la concurrence au niveau européen. Je suis loin d'estimer que les politiques communautaires soient sans défauts, ni que l'architecture institutionnelle de l'Union européenne soit pleinement satisfaisante mais je suis convaincu que le bilan de la construction européenne est très largement positif.

Mais, précisement parce que je suis viscéralement attaché à cet acquis communautaire, je crois que l'intégration européenne ne peut pas se faire contre, ou sans les peuples. Que l'époque où l'on pouvait défendre une forme de despotisme éclairé pour poser les fondations d'une paix durable en Europe est depuis longtemps révolue. Et que refuser au peuple français l'occasion de se prononcer sur le traité modificatif est plus qu'un crime de lèse-souveraineté : c'est une faute politique, qui aggravera la crise européenne au lieu de la résorber.

03 février 2008

Au nom du people français 

Quelqu'un peut m'expliquer le sens de cette déclaration de Claude Guéant (mes italiques)?
Il a précisé que Carla Bruni, d'origine italienne, "sera française" car "quelqu'un qui épouse une personnalité française devient automatiquement français".
C'est moi qui comprends mal ou bien le Secrétaire général de la présidence de la République laisse entendre que le fait d'épouser une "personnalité" permet de contourner les règles applicables à l'acquisition de la nationalité française à raison du mariage?
Paris outragé! 

Eric Le Boucher se désole dans sa dernière chronique du déclin économique de Paris, capitale sacrifiée sur l'autel de la solidarité territoriale à la française. Sur Econoclaste, SM a déjà largement démonté tout ce qu'il y a d'imprécis (parle-t-on de Paris, ou de l'Ile-de-France?), de contradictoire ou de simplement absurde (l'augmentation des places en crèche à Paris comme signe de la muséification de la capitale???) dans le propos du chroniqueur du Monde.

Il y a un autre problème : contrairement à ce que pourrait laisser croire le discours officiel sur l'aménagement des territoires, la thèse d'une stagnation de la région parisienne au profit de la province (en tout cas, des aires dynamiques de la province) est totalement démentie par les faits. On peut trouver sur le site d'Eurostat des données sur la croissance annuelle moyenne des régions européennes entre 1995 et 2004 (au niveau NUTS 2, pour les puristes). Pour la France métropolitaine, le résultat est le suivant :




Il est exact qu'on observe une tendance à la baisse de la part de Paris, entendu comme le seul département 75, dans le PIB français. Mais cette baisse est plus que compensée par la croissance de son immédiate périphérie. Les chiffres d'Eurostat sur la variation en pourcentage de la part des départements (nous sommes au niveau NUTS 3, cette fois-ci) dans le PIB national entre 1995 et 2004 sont éloquents en ce qui concerne la région parisienne :



S'il y a rééquilibrage, ce n'est donc pas entre la région parisienne et la province mais, au sein de la région parisienne, entre les Hauts-de-Seine et tous les autres départements franciliens. Cela pose à l'évidence des problèmes politiques, les transferts d'activités économiques s'accompagnant également de transferts de ressources fiscales. Mais on voit mal pourquoi ce serait un problème du point de vue de la "compétition mondiale des métropoles du XXIe siècle" dont parle pompeusement Le Boucher. Comme le note justement SM :
je suis surtout étonné de lire que la banlieue parisienne est sortie de l'aire économique de Paris. En réalité, je vois mal comment dissocier les deux. Et encore plus peut-être comment parler de l'exode vers la banlieue des emplois et des habitants pour finalement parler de déclin de l'ïle de France, dans son ensemble. Difficile de dire que Paris est en concurrence avec Londres, New York, Amsterdam ou Singapour et de raisonner uniquement sur le département 75..
D'autant que ce qui différencie vraiment Paris des autres grandes métropoles citées par Le Boucher est justement l'exiguïté de son espace intra-muros (87 km², contre 166 pour Amsterdam, 704 pour Singapour, 785 pour New York et 1577 pour le Grand Londres). Que des activités économiques consommatrices en espace au sol se localisent au-delà du périphérique n'a finalement rien que de très logique.

NB : à propos, est-ce vraiment trop demander d'un commentateur économique que d'être capable d'aller consulter (et comprendre) des statistiques officielles? Les bons chroniqueurs économiques de langue anglaise, de Martin Wolf à James Surowiecki en passant par les rédacteurs anonymes de The Economist, le font régulièrement. Au nom de quoi les Français n'en seraient-ils pas aussi capables? Et non, je ne crois pas que ce soit à cause du contenu marxiste des manuels de SES.

01 février 2008

Coulter Shock 




Icing on the cake : Coulter announcing she plans to vote for a Democrat... while promoting a book called If Democrats Had Any Brains, They'd Be Republicans.

Cherry on top : Alan Colmes actually being funny.