30 juin 2006

Les USA ratifient les Conventions de Genève 

Oh, non, ils l'avaient déjà fait depuis longtemps. Sous un Républicain d'ailleurs, le Président Herbert Hoover. La Convention de Genève sur les prisonniers fut signée en 1929 et ratifiée en 1932, juste avant l'inauguration de Roosevelt. Elle fut renouvelée vingt ans après par la Troisième Convention de Genève (texte français) de 1949, sous Harry Truman [En revanche, ils n'ont pas ratifié le Protocole de 1977 sur les victimes civiles].

Mais l'Administration Bush prétendait ne plus être liée par un tel traité vieillot. Pourquoi ? Oh, par un Fiat présidentiel, parce que "9/11changedeverything" bien sûr. C'est un mantra pratique. Répétez le deux, trois fois, vous verrez, c'est mieux que toute restriction mentale en casuistique. Tout attentat perpétré sur votre nation suffit à vous délivrer de tout engagement devant le Droit des Gens.

Lorsque l'armée envoya certains présumés terroristes d'Irak et d'Afghanistan (y compris des Chinois Ouïghours), l'Administration nia qu'ils fussent soit des prisonniers de guerre (car en ce cas, les Conventions de Genève s'appliquaient), soit des prisonniers de droit commun (et en ce cas ils avaient droit à un procès en bonne et due forme). Ils étaient donc exclus dans un tiers domaine entre guerriers et criminels, des "ennemis combattants illégaux", voire au pire des "détenus fantômes". Il leur revenait donc un "no man's land", un purgatoire ou des "Limbes juridiques". C'est pourquoi l'avocat du Président qui est depuis devenu Attorney General, Gonzales déclara la Convention "obsolète et désuète (quaint, qui implique une bizarrerie archaïque ou rococo)". On trouve des propagandistes pour ironiser sur ce texte "suranné" qui ne pourrait que servir Ben Laden.

De même, le lieu choisi pour ces Limbes, le Camp X-Ray de Guantánamo Bay ("GTMO" ou "Gitmo") joue un rôle important dans cette zone crépusculaire. Elle est base américaine sans être territoire américain, du moins quand ça les arrange. Le traité de 1903 dit qu'elle reste sous la "souveraineté" de Cuba mais sous "contrôle" américain. Ce passe-passe permet à une démocratie libérale de cacher ses turpitudes sous le tapis, dans une dictature communiste ennemie.

Mais en un sens, on se crispe trop sur Gitmo puisque les pires forfaits furent sans doute commis sur des prisonniers plus "classiques", en Afghanistan, en Irak (Abou Ghraib) mais surtout le programme extra-judiciaire d'extraordinary rendition (la "délocalisation" de la torture). Lederman faisait remarquer que le vrai problème n'était pas du tout Gitmo mais que Gitmo ne soit pas plus "régularisé". La fermeture programmée de Gitmo risque à présent de déplacer le problème, et vers plus d'opacité et plus d'outsourcing des exactions.

Mais en attendant, la solution trouvée par l'Administration était des tribunaux militaires d'exception sans reconnaître un statut sous la Convention de Genève.

C'est à ce moment qu'intervient la décision historique d'hier, Hamdan v. Rumsfeld (Rumsfeld KO). Il y a tout un site sur le sujet. Le jugement, le dernier avant les vacances de la Cour, est (.pdf, 185 pages).

Pour en lire plus


C'est une fois de plus une courte majorité : 5 contre 3. John Roberts avait eu l'honnêteté de se déjuger parce qu'il avait défendu le Gouvernement contre Hamdan dans cette affaire mais on peut considérer que cela aurait été 5 contre 4 (mais 6 contre 3 l'an dernier s'il y avait toujours O'Connor à la place de Roberts et Rehnquist à la place d'Alito - un an a tout changé).

La majorité conduite par John Paul Stevens, à peu près soutenu par Kennedy, a décidé en faveur d'Hamdan et contre la position de l'Administration Bush : les prisonniers de Gitmo ne peuvent être jugés seulement par des commissions militaires et le Congrès n'a pas octroyé de "chèque en blanc" au pouvoir exécutif. Ou comme le rappelle Stevens, "Le pouvoir exécutif est soumis à l'Etat de droit".

[Il ne faut pas confondre Hamdan avec Hamdi v. Rumsfeld de juin 2004 qui s'appliquait à un citoyen américain, jugé à 6 contre 3 - étrangement Stevens avait été à l'époque du côté de la minorité avec Scalia mais Rehnquist avait voté avec la majorité.]

Salim Ahmed Hamdan (36 ans) fut un chauffeur et garde du corps yéménite d'Osama Ben Laden, de 1996 à 2001. Capturé en Afghanistan en novembre 2001, il fut envoyé à Gitmo en juin 2002. En juillet 2003, le Président annonça qu'il serait jugé par une "Commission militaire" pour conspiration et crimes de guerre. Ses avocats déposèrent une plainte, disant que l'armée américaine devait montrer qu'il n'était pas un prisonnier de guerre sous la Convention de Genève. Une première Cour, avec l'héroïque Juge Robertson, lui reconnut le droit à une défense. Il y a un an, en juillet 2005, la Cour d'Appel, avec John Roberts juste avant qu'il ne devienne Chef de la Cour Suprême, décida que les membres d'Al Qaeda n'étaient pas couverts par la Convention de Genève. L'Administration Bush tenta d'éviter tout recours par le Detainee Treatment Act en décembre 2005. La loi voulait bloquer l'intervention de la Cour Suprême et retirait à toute Cour fédérale la possibilité de prendre en compte la plainte des ennemis combattants de Gitmo (c'est dans ce texte de loi que McCain inséra en amendement une interdiction de la torture qui énerva tant Cheney).

C'est John Paul Stevens qui écrit la décision (73 pages sur 185) qui revient pour l'essentiel à la décision originelle de Robertson contre celle de la Cour d'appel de Roberts.

Toute une partie de l'argumentation repose en fait plus sur le droit militaire américain (Uniform Code of Military Justice ("UCMJ")) que sur les Traités internationaux. Le titre racoleur de cette Note de blog est même trompeur (ah, je vous ai bien eu) puisque les lois du Congrès peuvent bien l'emporter sur ces engagements.

Il n'en reste pas moins que le point le plus intéressant à mes yeux est tout de même tout ce passage sur la Convention de Genève :



The Executive (...) reasoned that the war with al Qaeda evades the reach of the Geneva Conventions. We, like Judge Williams, disagree with the latter conclusion.

The conflict with al Qaeda is not, according to the Government, a conflict to which the full protections afforded detainees under the 1949 Geneva Conventions apply because Article 2 of those Conventions (which appears in all four Conventions) renders the full protections applicable only to “all cases of declared war or of any other armed conflict which may arise between two or more of the High Contracting Parties.” Since Hamdan was captured and detained incident to the conflict with al Qaeda and not the conflict with the Taliban, and since al Qaeda, unlike Afghanistan, is not a “High Contracting Party”—i.e., a signatory of the Conventions, the protections of those Conventions are not, it is argued, applicable to Hamdan.

We need not decide the merits of this argument because there is at least one provision of the Geneva Conventions that applies here even if the relevant conflict is not one between signatories. Article 3, often referred to as Common Article 3 because, like Article 2, it appears in all four Geneva Conventions, provides that in a “conflict not of an international character occurring in the territory of one of the High Contracting Parties, each Party to the conflict shall be bound to apply, as a minimum,” certain provisions protecting “[p]ersons taking no active part in the hostilities, including members of armed forces who have laid down their arms and those placed hors de combat by . . . detention.Id., at 3318. One such provision prohibits “the passing of sentences and the carrying out of executions without previous judgment pronounced by a regularly constituted court affording all the judicial guarantees which are recognized as indispensable by civilized peoples.”

Le texte devait ainsi protéger des rebelles qui ne représente aucun Etat reconnu internationalement dans une Guerre civile. Ce qui signifie que le terroriste arrêté en Afghanistan, pays signataire de la Convention, est quand même protégé par la dite Convention même s'il ne représente pas un Etat. Son jihad peut être "international", mais son combat n'est pas entre des Etats-Nations.

Cela indigne le conservateur Allahpundit (je m'appuie sur son interprétation) qui pense que cela réduit la "Guerre contre le Jihad" à de simples actions de police. En un sens, c'est l'inverse, puisque la Convention de Genève s'applique. En effet, les prisonniers auraient le droit à des procès publics et à connaître les charges qui pèsent sur eux, ce qui était nié par l'Administration. Mais Stevens se moque aussi du double jeu de l'Administration : les jihadistes ne peuvent pas avoir commis un "complot criminel" puisque cela n'existe pas en droit de la guerre.

La décision dit seulement que le Président a besoin d'une décision expresse du Congrès pour obtenir des tribunaux militaires. Dès l'annonce du résultat, les Républicains ont commencé à déposer un texte en ce sens. Arlen Specter, Président de la Commission judiciaire, présidera les séances sur un nouveau texte dès le 11 juillet pour revenir sur Hamdan.

Revue de Presse



  • Slate a une synthèse des blogs (voir aussi Technorati). Les Républicains hurlent bien entendu déjà au Coup de Couteau dans le Dos.

  • Dahlia Lithwick est déçue que la décision n'aille pas assez loin et puisse être si facilement contournée par l'Administration Bush : les jihadistes ne doivent pas être jugés par un tribunal militaire mais rien n'interdit à l'Administration de ne pas les juger du tout. C'est seulement s'ils sont jugés qu'ils doivent avoir droit à des normes minimales, comme l'accès au dossier et à leurs avocats. Et elle craint que cela implique encore plus de "redditions extraordinaires" pour éviter le problème.
    Dellinger au contraire pense que l'Etat de droit est enfin restauré en Amérique après quelques années d'Etat d'urgence larvé.
    Emily Brazelon porte la critique sur le les ambiguïtés du Detainee Treatment Act. John Paul Stevens a ridiculisé l'hypocrisie des Sénateurs républicains qui avaient modifié rétroactivement leurs commentaires sur la Loi pour en changer l'interprétation.

  • SCOTUSBlog a de nombreux liens.
  • Le Washington Post explique que la décision pourrait limiter d'autres pouvoirs que s'octroyait le Pouvoir exécutif dans la "Guerre contre la Terreur", y compris les écoutes sans mandat. En revanche, la décision ne s'étendrait pas au maintien du Camp de Gitmo, seulement au statut des procès.

  • Lederman insiste sur le fait que le plus important n'est pas le fait que les détenus ne puissent pas être jugés par des tribunaux militaires (pour l'instant) mais le fait qu'une partie de la Convention de Genève s'applique aux membres d'Al Qaeda. Cette décision pourrait dès lors être utilisée pour condamner les exactions passées, y compris des actes d'interrogation commis hors des USA (mais de fait, même les lois américaines suffiraient à le faire si elles étaient appliquées). Mais le plus important sera les conséquences politiques immédiates avant les élections de Novembre 2006.

  • De même Steve Vladeck pense que la jurisprudence va affaiblir le pouvoir de l'exécutif par rapport au Congrès sur la gestion de la guerre. Lyle Denniston semble plus sceptique et dit que la doctrine de pouvoirs spéciaux en temps de guerre reste ouverte dans la décision.

  • Linda Greenhouse a du mal à cacher son enthousiasme dans sa description de la défaite de Bush.
    The decision was such a sweeping and categorical defeat for the Bush administration that it left human rights lawyers who have pressed this and other cases on behalf of Guantanamo detainees almost speechless with surprise and delight, using words like "fantastic," "amazing," "remarkable."

  • Le Guardian cite en partie la réaction d'Amnesty International. Mais surtout le Guardian a ce reportage qui prouve que les tribunaux militaires ne cherchent même pas à découvrir la vérité.

  • Jack Balkin dit que la décision signifie seulement que le Président doit passer par le Congrès et n'est donc pas si révolutionnaire.

  • Andrew Cohen énumère quelques points curieux dans les arguments de la minorité, se désole du manque de virulence de Scalia mais aussi la démence "ultra-royaliste" de Thomas. Dans une version pour CBS, il minimise de façon un peu étrange l'importance pratique de la décision parce qu'elle ne changera pas grand'chose dans l'immédiat.

  • L'ancien avocat Glenn Greenwald (sans doute l'une des meilleures plumes Shrill anti-Bush) fait plutôt partie des enthousiastes. Le Congrès peut bien autoriser les commissions militaires ou annuler la Convention de Genève mais au moins le pouvoir "monarchique" du Président est amoindri.

  • Billmon a un long commentaire nuancé. Bien que farouchement hostile à la position de l'administration sur le fond, il n'est pas convaincu par tous les arguments de la majorité de la Cour.

  • En français, Le Monde a une explication, et un article sur Swift, l'un des avocats militaires de Hamdan. cf. aussi Libé, Tribune de Genève.

  • Pour la Schadenfreude, lire Bench NRO est très gratifiant. On les entend presque grincer des dents, notamment celle qui accuse les 5 majoritaires de forfaiture. Ils se remontent le moral en pensant que cela va causer un blacklash contre les Démocrates qui sont tous des traitres d'une cinquième colonne jihadiste et que la majorité silencieuse le verra bien dès que le Congrès votera la lapidation publique des terroristes.

  • Mais le plus réjouissant est encore dans les critiques de Clarence Thomas, quand il joue à la rhétorique méprisante du WarBlogger (p.134 dans le PDF) :
    This suggestion betrays the plurality’s unfamiliarity with the realities of warfare and its willful blindness to our precedents.

    En clair : Vous êtes de faibles naïfs ou des idéalistes qui ne comprenez rien à une Vraie Guerre.
    Le problème (via ThinkProgress, voir aussi Hero of Guantanamo) est que :
  • Stevens served in the U.S. Navy from 1942 to 1945, during World War II.

    Thomas's official bio, by contrast, contains no experience of military service.


    Ha. Excusez-moi, il faut que je me rachète un nouveau clavier. C'est toujours ça avec ces Républicains. Ce sont toujours les "ChickenHawks" qui "swiftboatent" les vétérans et les héros avec l'arrogance et l'impunité que permet leur mauvaise foi.
    (Voir aussi uggabugga sur l'absurdité d'un Juge qui prétend que sa Cour n'a pas le droit de critiquer la moindre décision de l'exécutif - du moins quand celui-ci est républicain).



    29 juin 2006

    Suprema Lex Esto 

    L'un des intérêts du mois de juin - en dehors du fait de pouvoir bloguer sans trop de culpabilité - est ce nombre impressionnant de décisions de la Cour suprême des Etats-Unis avant leurs congés (quasi-français) de trois mois. Glandeurs.

    Et surtout, cela signifie le retour de l'une des pages les plus amusantes de tous les Internets, les commentaires de la chroniqueuse juridique canadienne Dahlia Lithwick et de Walter Dellinger, professeur de droit et ancien "Solicitor General" (Avocat du Gouvernement) sous Clinton. Leurs résumés sont bien plus distrayants que l'austère SCOTUSBlog.

    Le rythme est soutenu avant juillet et des décisions interminables d'une centaine de pages se succèdent - on comprend que John Roberts veuille limiter plus les applications de sa Cour.

    Contrairement à mon impression d'une polarisation politique agravée entre les Neuf Nazgûls "Justices", il semblerait que le sémillant et mystérieux John Roberts ait plutôt réussi à améliorer le consensus : 31 décisions unanimes sur 46 en juin, dont la plus exotique fut le droit accordé à une secte d'origine amazonienne d'importer leur thé hallucinogène (c'est une cour très Turn On, Tune In). Mais dès qu'on regarde les décisions les plus significatives, on retrouve le clivage politique attendu entre les Juges modérés nommés par Clinton ou auparavant et la majorité conservatrice (qui recouvre à peu près d'ailleurs la majorité catholique inédite dans l'histoire américaine).

    Et il est toujours aussi hitchcockien de voir que la possibilité d'une théocratie accordant les pleins pouvoirs à Bush n'est évitée que par la contingence de la santé du libéral John Paul Stevens (86 ans - on dit qu'il ne passe déjà plus beaucoup de temps dans la Cour et qu'il vit une pré-retraite en Floride, d'où son surnom de FedEx Stevens) et du modéré Anthony Kennedy (70 ans, qui fut parfois archiconservateur mais savoure le fait d'être devenu le nouveau milieu de la Cour depuis le départ d'O'Connor et depuis qu'il subit l'effet (Linda) Greenhouse).

    Lire une version qui déroge quelque peu aux principes de concision et sobriété


    He'd Seen Loopholes From Workin' With His Rope


    La discussion la plus percutante (bien qu'un peu déprimante) porte sur Kansas v. Marsh.

    Le jugement portait sur la constitutionnalité d'une loi du Kansas sur la peine de mort : en cas d'égalité entre circonstances atténuantes et circonstances agravantes, la peine de mort doit être appliquée. Comme dit Dellinger, c'est la règle "Ex Aequo, au Bourreau". La Cour Suprême du Kansas (sans doute de dangereux laxistes) avait décidé que cette règle dite "Equipoise" n'était pas conforme à la Constitution et que les circonstances atténuantes devaient l'emporter.

    La Cour Suprême fut à nouveau divisée dans sa décision (PDF), toujours avec les suspects habituels, à 5 (Thomas, Roberts, Scalia, Kennedy et Alito) contre 4 (Souter, Stevens, Ginsburg, Breyer).

    Mais le sujet fut si passionnel qu'on voit en plus de l'opinion majoritaire un pamphlet (ou Ninogramme) de Don Nino Scalia (p. 22-40 sur le PDF) contre l'abolitionnisme, avec des liens URL qui ressemble presque à un défoulement d'un vulgaire blog.

    Antonin Scalia (qui en passant, malgré ses aspects déments, est quand même assez "originaliste" pour être contre l'Amendement sur la Profanation du Drapeau dont nous parlait Billy Kitty Killer Frist) est sans doute le meilleur débatteur et polémiste de la Cour. Son intelligence cache bien mieux que d'autres sa mauvaise foi. Le Méchant Nino est tellement acerbe et méprisant qu'on dit parfois qu'on lui doit le glissement vers la gauche de nombreux collègues excédés. Grazie, Nino.

    Il accuse son collègue Stevens (qui disait que la Cour n'avait pas à prendre l'affaire du tout, et devait donc laisser la décision de la Cour du Kansas) de ne pas comprendre ce qu'est une Fédération et une République (p.24). Certes, c'est Stevens qui avait commencé, en trouvant ironique que ces "Fédéralistes" - en termes français on dirait des "conservateurs subsidiaristes" - veuillent faire de l'activisme contre la Cour d'un Etat.

    Scalia Comics By Ruben Bolling at Salon.com Puis Scalia s'énerve contre le thème plus général de la Peine de Mort - bien qu'il considère que cela soit hors-sujet.
    Oui, il écrit une vingtaine de pages de vociférations qu'il estime sans rapport direct avec la décision. Il lui paraît essentiel de défendre l'honneur de la Peine capitale américaine contre la diffamation de 3 collègues, et du reste de l'Occident. Loin d'être une anomalie de la démocratie américaine, c'est au contraire la preuve que la démocratie américaine respecte plus l'opinion de ses citoyens que les dictatures éclairées européennes (en passant, il en profite donc pour se moquer aussi de Kennedy, qui dit vouloir admettre l'importance du droit européen comme standard moderne).



    Puis il s'emporte contre ce qu'il appelle (après Joshua Marquis) le "Mythe d'un Innocent" exécuté qui risque d'être utilisé par l'étranger condescendant.


    It should be noted at the outset that the dissent does not discuss a single case—not one—in which it is clear that a person was executed for a crime he did not commit. If such an event had occurred in recent years, we would not have to hunt for it; the innocent’s name would be shouted from the rooftops by the abolition lobby. The dissent makes much of the new-found capacity of DNA testing toestablish innocence. But in every case of an executeddefendant of which I am aware, that technology has confirmed guilt.


    Scalia est pour le moins faussement ingénu ici ou simule très bien l'obtus. A le lire, nul n'est innocent à part Richard Kimble. S'il y a des condamnés à mort qui ont été innocentés par le procédé avant leur exécution, cela pose déjà un problème - même s'ils n'ont pas été exécutés. Kirk Bloodworth fut condamné en 1984 pour un crime qu'il n'avait pas commis, resta 9 ans en prison en attendant son exécution pendant les premières années (la peine avait été transformée en prison à vie en 1987), avant que le test ADN ne le sauve et que le vrai coupable ne soit jugé. Scalia dit que cela prouve que le système a donc bien marché mais ces innocents disculpés témoignent d'un risque.

    Scalia se moque du fait qu'on parle encore de l'exécution de Sacco et Vanzetti de 1927. Même s'il semble possible que Nicola (Sacco) était vraiment coupable, l'innocence de Bart (Vanzetti) demeure hautement probable car on lui reprochait surtout d'être d'origine italienne. Here's to you, Nino.

    Comme il a l'air de surfer le Web (à moins que ce ne soient ses Clerks, en tout cas sans "Fact-Checkers"), s'il veut des exemples plus récents, il aurait pu lire par exemple les cas de Larry Moon, petit truand exécuté en 2003 pour un meurtre qui avait été avoué par un autre criminel, ou bien Roy Roberts, qui fut exécuté pour le meurtre d'un gardien de prison alors qu'il avait réussi le test du polygraphe et qu'un témoin lui donnait un alibi. Tout récemment encore, on vient de trouver des indices que Carlos DeLuna exécuté en 1989 était peut-être innocent. Mais ces vies comptent peu pour El Nino.

    Scalia accuse les abolitionnistes (et il reprend peut-être sur ce point le lobby pro-chaise électrique ou un article de l'ignoble Ramesh "Party of Death" Ponnuru) de confondre vraie "innocence" et "exonération" avec une cassation "technique" (une libération pour des causes purement procédurales).

    Il n'ignore pas que Souter a lui-même évoqué cette distinction dans son opinion (p. 51-52).

    The Illinois Report emphasizes the difference between exoneration of a convict because of actual innocence, and reversal of a judgment because of legal error affecting conviction or sentence but not inconsistent with guilt in fact. (...)
    It takes only a cursory reading of the Report to recognize that it describes men released who were demonstrably innocent or convicted on grossly unreliable evidence.
    (...)
    The exonerations we have studied occurred in four ways: (1) In 42 cases governors (or other appropriate executive officers) issued pardons based on evidence of the defendants’ innocence. (2) In 263 cases criminal charges were dismissed by courts after new evidence of innocence emerged, such as DNA. (3) In 31 cases the defendants were acquitted at a retrial on the basis of evidence that they had no role inthe crimes for which they were originally convicted. (4) In four cases, states posthumously acknowledged the innocence of defendants who had already died in prison.”

    Mais Scalia le nie, en énumérant anecdotes sanglantes et certains cas qui relèvent plus d'absence de preuve décisive que d'innocence. Il conclut :


    Like other human institutions, courts and juries are not perfect. One cannot have a system of criminal punishment without accepting the possibility that someone will be punished mistakenly. That is a truism, not a revelation. But with regard to the punishment of death in the current American system, that possibility has been re-duced to an insignificant minimum. This explains why those ideologically driven to ferret out and proclaim a mistaken modern execution have not a single verifiable case to point to, whereas it is easy as pie to identify plainly guilty murderers who have been set free. The American people have determined that the good to be derived from capital punishment—in deterrence, and perhaps most of all in the meting out of condign justice for horrible crimes—outweighs the risk of error.

    Je laisse de côté l'argument sur la dissuasion - je ne connais que les arguments d'Amnesty selon lesquels il n'y a pas de preuve d'une telle dissuasion mais j'ignore s'ils ont quelque fondement scientifique sérieux. Le second argument "une punition appropriée pour des crimes horribles" me paraît reposer plus sur la rétribution du talion ou à la rigueur sur le fait que cela peut faire décroître le risque d'une vendetta des familles (mais la prison à vie empêche cet argument). Même si le risque est en effet très bas, en raison des années d'attente dans le Couloir de la mort, est-il possible d'écarter si facilement ce "risque insignifiant".
    Il faudrait évaluer si M. Scalia (ou tout autre individu rationnel mis hypothétiquement dans ce raisonnement sur une juste rétribution) est prêt à vouloir être condamné à mort dans les 0,001% d'erreur "insignifiante" simplement pour "l'utilité collective" de la dissuasion.

    Cela dit, Scalia a un argument bien plus intéressant (si je le comprends bien) contre les objections à la Règle d'Equipoise du Kansas (p. 27, note 2, je mets en gras) :


    The equipoise provision of the Kansas statute imposes the death penalty only when the State proves beyond a reasonable doubt that mitigating factors do not outweigh the aggravators.

    If we were to disallow Kansas’s scheme, the State could, as Marsh freely admits, replace it with a scheme requiring the State to prove by a mere preponderance of the evidence that the aggravators outweigh the mitigators. I doubt that any defense counsel would accept this trade. The “preponderance” rule, while it sounds better, would almost surely produce more death sentences than an “equipoise beyond a reasonable doubt” requirement.

    Je ne sais s'il tient, mais cet argument est bien plus pernicieux pour les objections. Scalia est favorable à la peine de mort et ne voit rien contre cette règle du Kansas mais il estime que les abolitionnistes jouent contre leur propre camp en s'opposant à la règle.

    Mais mon héroïne, Lithwick, a l'air de s'être vraiment énervée en lisant les opinions.


    Now, why, you may be wondering, does Justice Scalia who is—let's recall—on the winning side of this case, feel the need to unload with this scorched-earth diatribe? Why isn't he willing to grant even an inch? A "to be sure"? A nod to the poor representation some capital defendants receive in the trial courts, or the screw-ups that do in fact happen in crime labs? Why is he blogging his concurrence, rather than taking a step back and actually writing it with some reasoned regard for the arguments on the other side?
    (...)
    How is it that Scalia always manages to have it both ways? He and Thomas paint the law as this dispassionate machine, into which you enter the legal facts and then download the correct answers. This is not a "moral" process, they say. This is a coolly rational process that works best when meddlesome supreme court judges leave it alone. But then the force of his argument rests wholly on his increasingly hysterical cataloging of the crimes of the so-called "innocent" exonerees. He isn't dispassionate here; he's hardly even rational at points. How can he assert that death isn't different, when it clearly drives him to the brink of insanity?

    C'est un peu déplacé. Scalia est toujours au bord de la folie, qu'il pense qu'un enregistrement lui dérobe son âme ou bien qu'il vante "l'utilité collective" des partouzes [si ça ne rapporte pas des hits à C. P., je ne sais pas quoi faire, Emmanuel]. Mais le problème n'est pas ici la forme atrabilaire, mais plutôt les implications si dédaigneuses et maupiteuses d'un magistrat qui préfère nier toute difficulté pour afficher sa présomption.

    Ni interfuerint decem anni

    [Le titre, comme celui de la Note, est tiré de Cicéron, Des Lois, III, 8-9 "La loi suprême doit être le Salut du Peuple. Nul ne doit recevoir la même magistrature si dix ans ne se sont pas écoulés." (la première phrase est devenue la devise du Missouri)]


    La seconde affaire est peut-être encore plus politisée que celle sur la peine capitale. Il s'agit de League of United Latin American Citizens v. Perry (PDF) mais personne ne veut retenir un titre aussi long, alors on va juste dire "L'Affaire du Charcutage électoral du Texas" (je n'ose répéter encore le gag "Texas Chainsaw Massacre").

    Le "charcutage" électoral est un mauvais terme pour le Gerrymandering puisque après tout un vrai et bon charcutier est censé découper de vraies articulations naturelles (Phèdre 265e) alors que le Gerrymandering ne désarticule que pour obtenir une combinaison baroque qui lui semble optimale. Mais que les bouchers pardonnent cette extension illégitime et insultante de leur art.

    Le Charcutage est l'un des éléments les plus importants de la politique américaine. Il ne touche que la Chambre des Représentants et non le Sénat et cela explique que cette dernière chambre soit composée de gens légèrement plus sains d'esprit. Ce sont les Chambres de l'Etat qui décident de la redistribution des circonscription dans 44 Etats (les six exceptions sont Arizona, Hawaii, Idaho, Montana, New Jersey et Washington). Pratiqué par les deux partis, il assure que la majorité dans un Etat augmente considérablement ses chances de rester au pouvoir. De plus, la procédure peut en partie s'appuyer sur des interprétations du complexe Voting Rights Act de 1965, qui était conçu pour permettre aux minorités raciales d'avoir des Représentants. Le Charcutage a tendance à assurer la pérennité d'un parti sur une circonscription, ce qui augmente l'abstention aux élections et augmente l'importance des Primaires, augmentant ainsi la pureté "idéologique" et la polarisation.

    Les redistributions de circonscriptions dépendent d'après la Constitution des Recensements qui ont lieu tous les Dix Ans (Article 1, Section 2: "The actual Enumeration shall be made within three Years after the first Meeting of the Congress of the United States, and within every subsequent Term of ten Years, in such Manner as they shall by Law direct."). La coutume veut que le Recensement se fasse dans les années se terminant par un Zéro.

    Le Texas est un Etat qui fut historiquement un fief démocrate conservateur pendant 130 ans, depuis la Guerre Civile. Mais les Conservateurs sont progressivement devenus républicains, en partie à cause de la révolution "libérale" du Président Lyndon Johnson. En 1991, juste après le Recensement, la majorité démocrate fit un Charcutage qui l'avantageait de manière disproportionnée.

    En 2000, cinq élections après, les Démocrates avaient toujours une courte majorité. Le Recensement accordait deux sièges de plus au Texas et il fallait donc un nouveau plan. Les Démocrates voulaient maintenir leur avantage mais ne purent se mettre d'accord avec les Républicains. Le plan fut donc décidé en 2001 par trois juges du district et maintint un certain statu quo favorable aux Démocrates. Les Républicains eurent près de 60% des voix mais les Démocrates eurent encore une courte majorité aux élections fédérales de 2002.

    Mais la même année, les Républicains obtinrent enfin la majorité à la Législature (la Chambre de l'Etat par opposition aux Représentants du Texas à Washington, DC) et décidèrent de refaire à nouveau la Carte électorale pour gagner les élections des représentants en 2004.

    Tom DeLay, chef de la Majorité républicaine à la Chambre des Représentants, n'agissait pas vraiment anticonstitutionnellement (désolé, il fallait que je place ce mot à cause d'un pari), mais ce charcutage de 2003 juste après le plan de 2001 était contraire à toutes les conventions dans cet Etat et dans la plupart des autres.

    Cette rupture de la coutume rappelait que l'ambition de DeLay n'admettrait pas d'attendre jusqu'en 2010 afin d'assurer la Majorité républicaine à la Chambre. A l'heure actuelle les Républicains ont 230 Représentants sur 435 et la délégation texane a 21 Républicains contre 11 sur 32 sièges - au lieu de 17 Démocrates contre 15 avant le plan de Charcutage. Il faut reconnaître que l'avantage républicain ne transgresse pas entièrement la représentation au niveau de tout l'Etat.

    La décision de la Cour est tout aussi compliquée que l'affaire. Ils refusent de condamner le Charcutage dans ses grandes lignes mais condamnent seulement une circonscription, la 23e circonscription de Laredo. Il y a un exemple de ces charcutages particuliers (voir aussi les explications dans le New York Times et le Washington Post.

    Cela donne une Opinion qui paraît elle-même "charcutée" :

    KENNEDY, J., announced the judgment of the Court and delivered the opinion of the Court with respect to Parts II–A and III, in which STEVENS, SOUTER, GINSBURG, AND BREYER, JJ., joined, an opinion with respect to Parts I and IV, in which ROBERTS, C. J., and ALITO, J., joined, an opinion with respect to Parts II–B and II–C, and an opinion withrespect to Part II–D, in which SOUTER and GINSBURG, JJ., joined. STEVENS, J., filed an opinion concurring in part and dissenting in part, in which BREYER, J., joined as to Parts I and II. SOUTER, J., filed an opinion concurring in part and dissenting in part, in which GINSBURG, J., joined. BREYER, J., filed an opinion concurring in part and dissenting in part. ROBERTS, C. J., filed an opinion concurring in part, concurring in the judgment in part, and dissenting in part, in which ALITO, J., joined. SCALIA, J., filed an opinion concurring in the judgment in part and dissenting in part, in which THOMAS, J., joined, and in which ROBERTS, C. J., and ALITO, J., joined as to Part III.


    Donc globalement, on a toujours la même chose : Kennedy comme centre de gravité et des blocs autour de l'aile droite (Scalia, Thomas, Alito, Roberts) et de l'aile gauche (Souter, Breyer, Stevens, Ginsburg).

    Tout cela rend la décision trop complexe et parfois un peu vague à délimiter. Lithwick explique à quel point nous devons lui être reconnaissante :
    A fast look suggests yet another insane mess of opinions in which various justices pop in and out of various portions of the opinion like a big game of constitutional whack-a-mole. But to your point from yesterday, the take-away seems to be that Kennedy is looking for a standard for a justiciable partisan gerrymander, and the world is not complying. But let's make good on our promises now, Walter: We read Kennedy so they don't have to.


    L'argument principal de Kennedy est que le charcutage ne fut pas si grave et que la date inhabituelle ne peut suffire à le rendre plus suspect. Dellinger répond qu'il y a quand même une différence entre un charcutage décennal obligatoire et ce charcutage supplémentaire un an après qui relevait d'un libre Choix Partisan plus arbitraire (un peu comme une certaine Guerre en Mésopotamie fut une Guerre de Choix).

    Mais en passant, John Roberts - dont on sait déjà par William Taylor à quel point il a parfois cherché à lutter contre la déségrégation - exprime à nouveau tout son dégoût pour le Voting Rights Act en général. Roberts a l'air raisonnable comparé à Scalia et Thomas, et il semble plus attachéau consensus que Rehnquist, mais il a parfois des aspects inquiétants sur toute inégalité qui lui semble "abstraite".

    Le Texas a quinze jours pour intégrer les corrections demandées par la Cour suprême et il faudra voir si la prise en compte des Hispaniques dans le 23e District peut donner un siège de plus aux Démocrates texans.

    Il y aurait sans doute beaucoup à dire sur la décision importante Hamdan mais cette Note est déjà trop longue.

    28 juin 2006

    Vexillolâtrie 

    J'aime bien Bill Frist, le chef de la Majorité républicaine au Sénat.

    D'abord, il ressemble beaucoup, je trouve, à mon journaliste montréalais de CNN favori, Jonathan Mann. Et Mann est cool, même pour un Canadien. Ensuite... non, en fait, il n'y a aucune autre raison.

    C'est peut-être à cause de cela que j'ai toujours l'impression que malgré ses votes quelque part à la droite de De Villiers, le Docteur Frist est bien plus malin qu'un Tom DeLay ou son prédécesseur Trent Lott. Je suis sûr que Frist dissimule soigneusement son détachement dégoûté vis-à-vis des idioties qu'il répète et sa condescendance envers ce qu'est devenu le Parti dont il est l'un des dirigeants. Il faut imaginer Bill Frist heureux.

    Or Frist est affligé après son combat patient. Frist est un peu notre Prométhée. Il veut ravir le Feu aux ennemis de la Liberté pour le rendre au Chasseurs de sorcières et il doit souffrir pour son sacrifice. Je suis donc allé tenter de lui remonter le morale alors que les USA sont plongés dans une crise sans précédent de Profanations de drapeaux.

    Procrastiner en cliquant



    Alors que la Fête d'indépendance est dans moins d'une semaine, les Sénateurs américains, guidés par l'Honorable Dr Frist, se sont concentrés sur le vrai cancer qui dévore leur démocratie.

    Non, pas le financement politique, les prévarications, les lobbies et la situation préoccupante du déficit. Non, pas les districts réarrangés. Non, pas seulement le danger pour l'emploi d'une hausse du salaire minimum (5,15$ de l'heure, soit 892$ par mois au moment où les Sénateurs se sont voté une augmentation de 31 600$ par an).

    La crise est la souillure perpétuelle d'Old Glory. Partout, d'une côte à l'autre, des hordes de terroristes liberticides, sacrilèges et iconoclastes ont compris qu'il était plus simple de toucher au coeur la Liberté en insultant son étendard plutôt qu'en organisant de crimes plus véniels sur des villes ou des personnes. Et qui se lèvera dans une époque nihiliste pour défendre l'oriflamme ?

    Le seul rempart pour protéger ce symbole contre ces vagues de corruption et les 5 "juges" activistes et irrespondables qui les défendent est un Amendement à la Constitution, élégant et lapidaire :
    The Congress shall have power to prohibit the physical desecration of the flag of the United States.

    Hier fut une date historique qui aurait pu donner le "XXVIIIe Amendement" à la Constitution pour rééquilibrer le Premier ("Congress shall make no law (...) abridging the freedom of speech, or of the press; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the government for a redress of grievances...).

    - Honorable Dr Frist, vous avez l'air abattu.
    - J'étais tellement prêt de sauver le Drapeau. A un doigt près ! UNE VOIX.
    - Un peu comme Gore en 2000.
    - Et tout le monde se moque de moi à présent.
    - A cause de votre surnom de Kitty Killer ?
    - Non, pas du tout. Quel surnom de Kitty Killer ? Ca vient du Président ?
    - Non. De... heu... je ne sais pas, ça m'est venu dans un grand flash, dans une illumination.
    - Je vois ce que vous voulez dire. C'était la même chose quand j'ai fait le diagnostic en tant que cardiologue sur une cassette video que Terri Schiavo était prête à sortir de l'hopital. Et entamer une carrière internationale de tennis.
    - Alors que l'autopsie a montré que presque tout son cerveau était déjà liquéfié.
    - Si seulement j'avais pu pratiquer plus d'expériences sur des petites cervelles de petits chatons, j'aurais pu éviter cette petite bévue.
    - Personne n'aime ces félidés frileux, infernaux et fielleux. Rien que pour ça, vous m'êtes sympathique. C'est vrai, il suffit de lire Garfield et on a envie de voter pour vous, Kitty Killer.
    - Vous dites ça pour me remonter le moral, mais l'échec de ma carrière demeure patent.
    - A cause de vos délits d'initiés et vos conflits d'intérêt avec vos cliniques privées ? Vous êtes victime de juges gauchistes, comme Berlusconi.
    - Mais pas du tout, à cause du Drapeau, vous n'avez pas l'air de vous concentrer.
    - On vous a déjà dit que vous ressemblez à Jonathan Mann, Kitty Killer ?
    - On a échoué d'une voix !
    - Mais au moins vous avez progressé. Il fallait 67 voix sur les 100 Sénateurs, le même amendement avait eu 63 voix en 1995, 63 voix en 2000, mais 66 cette fois-ci ! +4,75%, ce n'est pas négligeable.
    - Oui, on avait même des Démocrates influents parmi les 14 qui nous soutenaient. Pas seulement des Démocrates conservateurs d'Etats vulnérables comme Max Baucus (MT), Tim Johnson (SD), Mary Landrieu (LA) ou Ben Nelson (NE). On avait même avec nous le Chef de la Minorité Démocrate Harry Reid (NV), un Présidentiable comme Evan Bayh (IN), et même la Californienne Dianne Feinstein (CA), ce gaffeur de Mark Dayton (MN), bien qu'il ne se représente plus, et même un Rockefeller (WV). Il y a 55 Sénateurs Républicains, si on avait eu de la discipline avec ces 14 Démocrates on avait 69 voix, soit deux de plus que la Super-majorité.
    - Oui, ça avait super-l'air dans la poche.
    - Cela ne m'étonne pas qu'un RINO craintif comme Lincoln Chafee (Rhode Island) ait voté pour vomir sur nos symboles patriotiques. Mais ce que je ne comprends pas est que notre "Majority Whip", qui est censé rassembler les voix et discipliner le Parti, Mitch McConnell (KY) et son assistant, Bob Bennett qui vient pourtant du même Etat qu'Orrin Hatch (UT) prennent ce point de vue digne d'un criminel ou de l'ACLU.
    - Mais même si l'Amendement était passé , il aurait de toute façon fallu qu'il soit ratifié par au moins 38 Etats dans un délai raisonnable.
    - Oui, heureusement, c'est ainsi qu'on a évité des aberrations comme une prétendue Egalité entre homme et femme en 1972 et un Amendement fantaisiste pour limiter nos libertés d'engager des mineurs.
    - On l'a échappé belle.
    - Le Congrès ne montre pas toujours notre sens des limites constitutionnelles. Notre Amendement est plus sagement conçu et on sait qu'il aurait au moins une majorité dans tous les Etats.
    - Mais il laisserait passer quand même des problèmes. Le Congrès pourrait interdire la "profanation physique du drapeau". Mais qu'est-ce qu'une profanation ?
    - C'est bien le problème avec ces relativistes modernes, si vous avez le besoin de le demander.
    - Le terme peut être critiqué ausssi par certains Conservateurs qui estiment que le Drapeau ne peut pas être littéralement "sacré", sans quoi cela contredirait le Premier des Dix Commandements qui interdit l'Idolâtrie...
    - Tartufferie.
    - A l'inverse, certains libéraux partisans du Premier Amendement peuvent estimer qu'il y a bien une place pour le Sacré et une "religion civile" comme dirait Rousseau, mais que c'est cette loi qui profane la Liberté sacrée représentée par le Drapeau. Cela rendrait cette Loi auto-réfutative : elle profane dès qu'elle veut interdire la profanation.
    - Ce ne sont que jeux sur les mots.
    - Mais prenons un Zoroastrien par exemple. Pour lui, le feu est sacré et donc un mode de consécration. S'il brule un drapeau, ce ne serait donc pas une profanation.
    - Un Zorro astral ?
    - Ils sont estimés à environ 18 000 sur le territoire des USA. Il suffirait que chaque manifestation d'américanophobe emporte un Zoroastrien pour échapper à la loi.
    - Non, la cour de chaque Etat - tous les 50 Etats ont déjà voté en ce sens - pourrait ensuite passer des lois pour évaluer les profanations selon les standards sociaux.
    - Mais en ce cas, cela risque d'être relativiste et vague. Et de même qu'est-ce que le drapeau qu'on peut atteindre "physiquement". C'est le problème avec tout symbole : qu'a-t-on fait au Type en s'attaquant à un Token ?
    - Il y a une définition précise de ce qu'est le Drapeau.
    - Mais pourquoi ce symbole seulement plutôt qu'un autre ? Pourquoi pas l'Aigle chauve, le symbole $ ? Une Carte aussi "représente" les USA. Et la loi s'applique-t-elle rétroactivement aux anciens drapeaux ? Et qu'en est-il des drapeaux futurs ? Prenons par exemple ce drapeau :

    Ceci n'est pas un Drapeau des USA.

    - Hé bien, c'est le Drapeau.
    - Non, il a 51 Etats. Comptez-les.
    - Non, je vous fais confiance.
    - Ce Drapeau défendu par les Porto-ricains peut donc être "profané". La loi aurait du mal à éliminer des actes qui semblent phénoménalement presque indiscernables de tristes méfaits de "profanation".
    - Ecoutez, l'important, c'était de rappeler avant le 4 juillet nos priorités... Owwwh, un chaton... (il sort une scie) attendez, j'ai des expériences de vivisections sur la mort cérébrale à pratiquer.


    26 juin 2006

    Promesses 



    1. Après ce Non massif (62%) à la Devoluzione, il est temps pour Umberto Bossi de tenir parole ("«Se vince il No vorrà dire che andremo in Svizzera»") pour y retrouver peut-être des amis (si ça ne vexe pas trop les membres du Swissroll). Il demandera peut-être une votation pour l'annexion de la Padanie par le Tessin.


    2. Un des paradoxes du Don découvert par Mauss est que le vrai Don serait impossible car tout Don entrerait toujours dans les échanges économiques.

      Mais le millionnaire philanthrope Warren Buffett (déjà célèbre en éthique pour son argument en faveur de l'impot sur les successions qui est critiqué par 60% des Américains alors qu'il ne touche que 2% d'entre eux) montre aussi un autre aspect de la part maudite de la dépense qu'il tente de rationaliser (Slate [m$n]) : "It costs money to give away money." Même le Don doit donc faire des économies dans l'organisation pour optimiser le Don.

      Le manque d'évergétisme de nos élites françaises m'étonne souvent. Nous sommes pourtant renommés pour nos rivalités mimétiques et même notre consommation ostentatoire mais, nous n'avons peut-être pas encore assez de science de l'ascèse, pour être de frugaux philanthropes.


    3. Chez СеверСталь du jeune oligarque Alexei Mordachov, on n'a pas l'air content. Il paraît que les médias russes ont ouvert sur la fusion Mittal-Arcelor (ah ah, fusion, acier, je viens de comprendre), en laissant l'exécution de leurs quatre otages au sixième rang des nouvelles (malgré le lien que le groupe terroriste aurait tenté d'établir avec la Tchetchénie). Pour les officiels russes, la seule explication est bien entendu la slavophobie (ce qui rappelle ce que répétaient les médias du sous-continent ces dernières semaines, en considérant que toute critique de Mittal ne pouvait être que raciste - les politiques du ressentiment ont un bel avenir).

      Si je comprenais quoi que ce soit à cette histoire (voir jules pour des éléments plus éclairants), j'aurais une "Bleg" ("interblogation" ?) minuscule qui me travaille.

      En un premier temps, si j'ai bien suivi les vents changeants du consensus, nos médias ont été contre Mittal par "patriotisme économique". Je crois même me souvenir (je l'ai peut-être révé) qu'Alexandre Adler avait doctement prédit que ce serait plutôt Arcelor qui rachèterait Mittal (en raison de l'endettement de Mittal, j'imagine ?).
      Il a bien dit ça, non ?
      Puis Pinault a soutenu Mittal, les médias ont hésité, et Arcelor (ou plus exactement Guy Dollé) a appelé les Russes à la rescousse, ce qui a encore plus brouillé les cartes (surtout qu'il y a un réflexe atavique des actionnaires français dès qu'ils entendent "emprunts russes").
      Adler le 22 mai exaltait presque le modèle d'un capitalisme "rhénan" de Mordachov (car rhénan veut dire à présent "copinage opaque" et plus rôle des banques et assurances ?).
      Puis, jeudi dernier (22 juin), Adler confessa que "son coeur" (la Corbeille se joue au coeur, bien entendu) penchait pour Mittal (qui avait été proche de Tony Blair mais a réussi à s'implanter dans l'Ukraine de Iouchtchenko contre des groupes très proches de l'ancien régime de Koutchma) plutôt que pour l'oligarque proche de Poutine. [Il brodait au passage sur une prétendue judéophobie de Poutine, qui a poursuivi Platon Elenin et Khodorkhovsky mais ce serait feindre d'oublier que l'autre jeune oligarque quadra Roman Abramovitch soutient aussi Mordachov.] Il a donc vu juste.


    4. Chirac hier soir a dit
      "Le SMIC augmente un peu plus de 3% [NdB : +3,05%, le Smic atteint 1 254,28 euros bruts au lieu de 1 217,91€ pour 35h. Il était à 1 154,27€ bruts en 2002, mais pour 39 heures.]. La décision a été prise aujourd’hui. C’est important parce que, je vous le signale, que 3%, ça veut dire que si on le fait sur les cinq ans qui viennent, on arrive très exactement à l’objectif qui avait été proposé par le Parti socialiste, c’est-à-dire d’arriver aux 1 500 euros au terme du mandat suivant.

      C'est aussi important parce que cela signifie donc que même l'UMP ne peut plus se moquer de cette partie-là du moins du projet du PS ("Nous porterons le SMIC au moins à 1500 Euros bruts avant la fin de la législature et nous ajusterons les minima conventionnels à ce niveau."). Cet engagement (hausse d'environ +19,6% sur 5 ans) n'avait rien de démagogique. Même sans grand coup de pouce avec la moyenne de 2,8%-3% par an on arriverait déjà à 1479 en 2012.

      Certes, il reste toujours la retraite à 60 ans (dans le projet : "la loi «Fillon» de 2003 (...) sera abrogée. Son remplacement fera l’objet d’une large négociation. La retraite à 60 ans doit demeurer un droit."). Ce passage peut être une vraie exception française du PS par rapport au PSOE de Zapatero par exemple. Sur le salaire minimum, le PSOE s'est engagé à faire atteindre un SMI de 600 euros pour 2008, soit +41,8% en quatre ans (enfin, si j'ai bien compté, ce qui est peu probable).

    24 juin 2006

    Ninjas Vaudous Terroristes Amateurs 

    L'Organisation terroriste internationale Cobra a aussi des NINJAs

    On aurait tort de minimiser trop vite le danger de ce réseau d'aspirants terroristes arrêtés en Floride. Certes, ils n'avaient pas encore réussi à prendre contact avec la "nébuleuse" jihadiste - c'est en cherchant à le faire qu'ils sont tombés sur le FBI et c'est devant eux qu'ils ont juré allégeance à une guerre sainte contre leur pays.
    They were not able to obtain explosives, federal officials said.

    ‘’It was more aspirational than operational.'’

    Mais comment estimer ce degré d'"aspirationalité" ?

    La suite


    D'une part, ce sont des végétariens, ce qui est déjà un peu inquiétant d'incohérence pour des assassins de masse.

    Ce ne sont même pas des Musulmans au sens le plus commun du terme et le fait qu'ils aient voulu contacter un réseau sunnite wahabhite qui veut aussi exterminer les Musulmans hérétiques prouve encore leur singulière volonté à se sacrifier - rien ne prouve encore que ce ne soient que de simples escrocs qui voulaient surtout extorquer de l'argent à Al Qaeda.

    Ils prétendaient s'attaquer à la Tour Sears de Chicago - Tour déjà connue pour avoir été percutée par tous les Cessna des joueurs de Flight Simulator à un moment ou à un autre.

    Mais le plus mystérieux dans cette secte syncrétique d'un islam imaginaire et de diverses traditions judéo-chrétiennes ou haïtiennes est qu'ils étaient un Dojo d'arts martiaux.
    "We study and we train through the bible, not only physical -- not only physical, but mentally."

    C'est dans la tête, tu vois.

    Comme le dit Unqualified offerings, ce groupe "Seas of David" était un "culte" para-musulman, encore plus marginal et groupusculaire que la surestimée Nation of Islam.

    Leur chef, Narseal Batiste, se faisait appeler "Brother Naz".

    A friend described Batiste, who grew up in Chicago, as a "Moses-like" figure who would roam the neighborhood in odd clothing, carrying a crooked wooden cane as he recruited vulnerable young men.

    Others said he was a martial-arts devotee who sometimes wore camouflage and led his followers through late-night physical exercises.


    Des aspirations au terrorisme de l'intérieur à la McVeigh ajouté à une formation de Ninja (pardon, NINJAS !), il n'y a donc rien de clownesque (comme si des clowns n'étaient pas terrifiants). Et l'expérience montre tout le temps qu'en matière de religion, les clowns sont souvent efficaces.

    ***


    Cependant, le fait que ces dingues-là ne soient pas musulmans ne permet pas complètement d'effacer les questions sur les évolutions et adaptations de ces diverses religions. Le fameux sondage Pew sur les attitudes des Musulmans dans différents pays (et des attitudes vis-à-vis des Musulmans) a montré des progrès.

    Même si on peut ironiser sur le contexte de certains résultats, ce qui compte est l'évolution. Les tendances témognent encore plus clairement vers un discrédit de ce petit mouvement al-qaediste dont on a peut-être exagéré l'importance à cause des massacres disproportionnés qu'ils ont réussi à accomplir avant de s'épuiser dans leur succès. D'après certains chiffres, 80% des attentants irakiens viendraient plutôt de réseaux sunnites baathistes et non des groupes jihadistes étrangers (qui semblent se concentrer sur la guerre contre les Chiites), même si les forces américaines préfèrent ne parler que de ces derniers.

    Les Français ont tendance à tomber parfois dans une hystérie sur le "Londonistan" (terme plein de Schadenfreude qui viendrait de Services français, d'ailleurs). Le sondage Pew semble confirmer qu'il y a quand même une spécificité de l'Islam britannique par contraste avec celui du Continent (les musulmans allemands en revanche, malgré les difficultés d'intégration des Turcs à la nationalité allemande, ne semblent pas moins occidentalisés que nos musulmans républicains).

    Cf. Guardian :


    By contrast, the poll found that British Muslims represented a "notable exception" in Europe, with far more negative views of westerners than Islamic minorities elsewhere on the continent. A significant majority viewed western populations as selfish, arrogant, greedy and immoral. Just over half said westerners were violent. While the overwhelming majority of European Muslims said westerners were respectful of women, fewer than half British Muslims agreed. Another startling result found that only 32% of Muslims in Britain had a favourable opinion of Jews, compared with 71% of French Muslims.

    Across the board, Muslim attitudes in Britain more resembled public opinion in Islamic countries in the Middle East and Asia than elsewhere in Europe. And on the whole, British Muslims were more pessimistic than those in Germany, France and Spain about the feasibility of living in a modern society while remaining devout.

    The Pew poll found that British Muslims are far more likely than their European counterparts to harbour conspiracy theories about the September 11 attacks. Only 17% believed that Arabs were involved, compared with 48% in France.



    Malgré quelques pathologies paranoïaques (même les musulmans continentaux sont donc encore un peu partagés sur le 11/09), on n'a peut-être plus à craindre une héroïsation du jihadisme telle que parodiée dans ce ce dessin animé américain. Le cartoon feint d'être arabe et a le défaut de maintenir le lien bushien entre Saddam et Osama mais il imite aussi les Wonder Twins des Superfriends - la scène judéophobe avec Batman et la pub pour l'intifada sont assez drôles d'humour noir - dans un genre plus léger, il y a aussi ce Family Guy qui reprend le début de Naked Gun).

    23 juin 2006

    Ameinon eiche ta palaia 

    There is nothing wrong with your monitor. Do not attempt to adjust the picture. We are now controlling the transmission.

    Hé, oui, pendant l'été, on a droit soit à des rediffusions, soit à des programmes qui ne passeraient jamais pendant l'année. Merci à la Corporation Ceteris Paribus d'appliquer ainsi la discrimination positive envers les nuls en "ballon au pied", en me permettant de parasiter son bloc-note sérieux pour cette semaine estivale.

    Le cahier des charges est "réflexions périodiques sur le la politique et l'économie, en France et aux Etats-Unis". Parmi ces éléments, ne connaissant rien aux termes obscurs en question (sans parler des questions ésotériques qu'il vient d'évoquer dans la note précédente), je mettrai surtout l'accent sur l'adjectif sans préciser la dite périodicité.

    Défoulez vous donc préventivement dans les commentaires, comme l'indique le titre de cette note ("C'était mieux avant", en snob), cela risque d'être à un Blog de référence ce que les "billets" de Claude Sarraute furent à un Quotidien Vespéral (c'est-à-dire une anomalie irritante mais heureusement passagère).

    Au lieu d'analyses étendues, originales et sur un seul thème, il n'y aura donc que des liens confus et qu'on retrouve déjà ailleurs.

    Tenez, par exemple...

    cette interview assez sidérante par Colbert d'un représentant du parti calotin de Géorgie. Son hypocrisie en devient presque candide. Il ferait passer pour intègre même le plus tartuffe de nos députés.

    Mais aucun de ces politiciens résistant aux pressions de la débauche (et qui n'ont pas cédé à la mode ridicule des blogs) n'ose pourtant dénoncer les vrais périls qui pèsent sur notre civilisation trop humaine : l'insatiable lubricité des robots.

    Il y a un être peut-être peu humaine mais en tout cas peu hypocrite et très hobbesienne ("la société n'est pas un club de bridge") qu'il faut à tout prix voir une fois, c'est cette professeur de droit (on comprend que la divulgation de cet événement vidéo ait des répercussions si sévères).

    J'ai failli tenter de faire une note sur l'UDF. Non, pas les terroristes, mais le parti "centriste" dont certains membres ne cessent de se féliciter d'être considérés "ni de droite ni de gauche" après un débat curieux sur la distribution du temps de parole. Pourtant, le non-verdict de Salomon dit seulement que l'UDF n'est "ni dans l'opposition ni dans la majorité", ce qui permettrait donc de laisser l'UDF à droite, malgré les appels à Kouchner. Mais de toute façon, cette décision (même si elle avait eu une cohérence interne) n'a aucun sens à un moment où la majorité parlementaire est passée dans l'opposition au chef du gouvernement. Mais même cette contradiction ne pourrait donner de sens à la règle peu cartésienne des Quatre Tiers.

    Mais peu importe l'état de notre République "5.5" alors que son Chef de l'Etat caresse l'idée de devenir Secrétaire-Général des Nations unies.
    Même Debré ne doit pas y croire.
    Cette Vision si perçante et universelle explique peut-être que dans son discours d'inauguration du Musée dont il sera sans doute l'éponyme, même en cas de victoire de Sarkozy, Chirac a à la fois salué Lévi-Strauss, qui a fourni une collection et qui donnera sans doute aussi son nom à une bibliothèque, et en même temps attaqué ceux qui nient que tous les peuples ont une histoire. Cela n'est pourtant pas un jugement de valeur chez tous ceux qui fondent l'histoire (oui, l'historialité, comme diraient l'autre) sur l'écriture (et par exemple chez un certain Lévi-Strauss, justement, si je me souviens bien).
    Ceteris Paribus is proud to present... 

    ... le premier guest-blogger de son histoire, qui remplace au pied levé le proprio qui n'a guère le temps de bloguer entre la Coupe du monde et un boulot toujours aussi prenant.

    C'est donc l'inestimable Phersu, que j'ai non sans difficultés réussi à convaincre de rompre son beaucoup trop long silence bloguesque, qui vous accompagnera sur ces pages jusqu'à la fin du mois et de la semaine prochaine. A partir de demain, c'est-à-dire aujourd'hui en mode non-circadien, si tout va bien.

    Si mes informations sont bonnes, sa première note devrait concerner la dernière, mais de conjoncture, de l'INSEE et la suivante s'attaquer au programme économique du PS. Tout cela n'étant bien entendu qu'un rodage pour mieux être le premier à réagir sur l'estimation finale du PIB américain pour le premier trimestre qui tombera, comme chacun le sait, jeudi prochain.

    A moins qu'il ne décide de surprendre tout le monde en analysant, en deux parties et deux sous parties, l'importante décision Ordre des avocats au barreau de Paris du Conseil d'Etat du 31 mai dernier. Décision qui a été aussi superbement qu'étrangement ignorée par les pontes de la blogosphère juridique.

    Le suspense reste entier.
    Nous n'avons pas les mêmes valeurs 

    Ce matin, quand les Etats-Unis ne s'étaient pas encore fait éliminer de la Coupe du monde comme une vulgaire équipe de France, il était encore temps de publier un marronier sur une question qui revient à chaque Mondial : mais pourquoi donc les Américains sont-ils fâchés avec le football, pardon le soccer?

    C'est donc Philippe Gélie qui s'est tapé le pensum ce matin dans le Figaro. Le résultat est un article tout à fait honnête, dont les deux seuls défauts est de ne pas souligner le paradoxe qui veut que la Coupe du monde de football qui a drainé le plus de spectacteurs dans l'histoire a été celle organisée en 1994 aux Etats-Unis et surtout, surtout, de se conclure sur un contresens absolu :
    Les États-Unis sont toujours en gare, à méditer sur la formule d'un ancien député et «quarterback», comparant en 1986 le soccer «européen et socialiste» au foot américain «démocratique et capitaliste». De fait, l'autre invention européenne qui n'a jamais pris aux États-Unis, c'est le socialisme.
    Certes, le socialisme n'a jamais vraiment réussi politiquement aux Etats-Unis - malgré les efforts de Eugene Debs et même si l'un des événements attendus des élections de novembre prochain est l'arrivée annoncée de Bernie Sanders au Sénat. Mais s'il y a bien un domaine où il s'est spectaculairement imposé outre-Atlantique, c'est bien dans les sports américains, quoi qu'en disait Jack Kemp.

    Comme l'écrivait Daniel Gross dans Slate en 2004 (juste avant une autre compétition de football qui avait vu, elle, la République tchèque briller) :
    To different degrees, Major League Baseball, the NFL, and the NBA are examples of European-style socialism among billionaires and Fortune 500 companies. They share revenues, tightly regulate admission to the cartel, and bargain collectively with powerful European-style unions, which act as barriers against reform. Losers not only can prosper, but they get first dibs on next year's crop of talent.
    En comparaison, le football européen, qui ne pose aucune limite à la masse salariale des équipes, est peu porté sur la redistribution des revenus et qui condamne impitoyablement les équipes les moins performantes au purgatoire de la seconde division, apparaît comme un modèle de destruction créatrice à la Schumpeter. Et beaucoup plus conforme aux valeurs américaines que les sports roi aux Etats-Unis. Il faut toujours se méfier des clichés.

    19 juin 2006

    10 (plus ou moins) bonnes raisons de garder le moral 

    Pourquoi la France va passer :

    10. Comme le rappelle justement l'excellent Vincent Duluc dans L'Equipe de ce matin, à chaque fois que Zidane a été suspendu en phase finale de Coupe du monde, la France a gagné le tournoi.

    9. La fédération togolaise bluffe en assurant que les primes vont être versées et la France va gagner le dernier match par forfait 3-0.

    8. La suspension d'Abidal va donner l'occasion à Domenech de faire rentrer LE joueur que le monde entier nous envie.

    7. Les Bleus vont être surmotivés quand ils se rendront compte que le sélectionneur du Togo n'est autre que Dick Cheney.

    6. Comme Domenech est une tête de mule, il va profiter de l'absence de Zidane (qui réclamait deux pointes) pour passer en 4-4-2.


    Et même si la France ne passe pas :

    5. Au moins, Djibril Cissé se dira qu'il l'a échappé belle.

    4. Estelle Denis va demander le divorce.

    3. Vous ne vouliez quand même pas que l'équipe de France sauve la peau de Dominique de Villepin?

    2. Une mauvaise nouvelle pour TF1 ne peut pas être entièrement une mauvaise nouvelle.

    1. Ca fera une bonne raison de plus d'élire un gouvernement de gauche (aussi ) l'année prochaine.

    18 juin 2006

    Le TA de Clermont consacre un droit à la philosophie 

    Quand on vous disait que Michel Charasse était procédurier :
    Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) a donné raison vendredi à Jérome Charasse, neveu de Michel Charasse, ex-ministre de François Mitterrand et condamné l'Etat pour manquement à son obligation légale d'enseignement.

    Le jeune homme se plaignait d'une note de 6 sur 20 obtenue en 2003 à l'épreuve du baccalauréat, note qu'il imputait aux absences non remplacées d'un enseignant en philosophie.

    L'élève raconte dans le journal Le Parisien de samedi être tombé à son grand dam, au baccalauréat, sur un texte de l'Allemand Arthur Schopenhauer. "C'est à peine si je connaissais son nom", a-t-il dit.

    Le jeune homme avait pourtant décroché son Bac avec mention "très bien" grâce aux excellentes notes obtenues dans toutes les autres matières mais s'était vu refuser l'accès de la faculté de sciences politiques en raison de sa note en philosophie.
    En termes plus juridiques, cela donne : le TA de Clermont a condamné l'Etat sur le terrain de la perte de chance occasionnée pour le jeune Jérôme Charasse par une faute dans l'organisation du service public de l'enseignement. Une recherche rapide sur Legifrance semble prouver qu'une condamnation de l'Etat pour la lenteur de l'Education nationale à remplacer un professeur est inédite.

    Par contre, l'indemnisation d'élèves sur le terrain de la perte de chances en raison d'une faute du service public de l'enseignement est admise depuis longtemps : pour un exemple lié au baccalauréat, voir par exemple un jugement de la CAA de Nantes, qui condamne l'Etat à raison d'une erreur de transcription des notes obtenues au baccalauréat qui a provisoirement empêché la requérante de s'inscrire à l'université

    Notons quand même que la dépêche de Reuters est rédigée avec les pieds : d'abord, il n'aurait pas été inutile de rappeler que l'épreuve de philosophie au bac offre un choix entre deux questions de dissertation et un commentaire de texte (et le fait de pouvoir situer l'auteur n'est pas ce qu'attend principalement le correcteur du commentaire, même s'il est vrai que cela peut aider pour comprendre le texte).

    Ensuite, et surtout, ce n'est évidemment pas de la chance d'entrer en "faculté de sciences politiques" dont le jeune Jérome Charasse a été privé : les "facultés de sciences politiques" n'existent pas en France, et les facultés de droit et de sciences politiques n'ont pas pour habitude de refuser d'inscrire des bacheliers qui auraient obtenu une mauvaise note à l'épreuve de philosophie du bac.

    Ce qui est vraisemblablement en cause pour le neveu Charasse est la chance d'entrer à Sciences Po Paris, au titre de sa mention "très bien" au bac (il ne me semble pas qu'un autre IEP pratique l'admission directe des mentions "très bien"). Le juge administratif aura donc estimé que le bachelier aurait eu des chances raisonnables d'être accepté par le jury de Sciences Po s'il avait obtenu une note moins infamante à l'épreuve de philosophie.

    Dès lors, se trouvent réunies les trois conditions nécessaires pour engager la responsabilité de l'Etat :
    • une faute : l'organisation déficiente du service public de l'éducation, du fait du non-remplacement d'un professeur de philosophie (le juge administratif exige encore dans certains domaines une "faute lourde" pour que la responsabilité de la puissance publique soit engagée, mais il m'étonnerait fort que ce soit le cas concernant l'organisation du service public de l'éducation) ;
    • un préjudice : la perte de chance d'entrer sur titre à Sciences Po ;
    • un lien de causalité entre la faute et le préjudice : le non-remplacement du professeur qui a empêché le neveu Charasse de préparer dans de bonnes conditions l'épreuve de philosophie du baccaulauréat, plombant ses chances de découvrir les délices de la scolarité en première année rue Saint-Guillaume.
    La dépêche précise que :
    Le montant de l'indemnité devrait être rendu public lundi, en même temps que le texte du jugement. Le ministère de l'Education n'exclut pas de faire appel devant le Conseil d'Etat, sous réserve d'un examen des attendus du jugement, a dit l'entourage de Gilles de Robien.
    Pour vraiment finasser, il ne s'agit pas "d'attendus" (apanage du juge judiciaire) mais bien de "considérants" (employés par le juge administratif, le tribunal des conflits et le Conseil constitutionnel). A ce stade, il faut prendre toutes les informations contenues dans la dépêche avec des pincettes mais, si l'Etat (représenté par le ministre de l'Education nationale) décide de se tourner vers le Conseil d'Etat et pas vers la Cour administrative d'appel de Lyon, c'est que le jugement a été rendu en premier et dernier ressort par le TA de Clermont statuant en tant que juge unique (article R. 222-13 et R. 811-1 du Code de justice administrative).

    Comme il s'agit ici d'une action indemnitaire, on peut en conclure que le requérant ne demandait pas plus de 8 000 € (article R. 222-14 du Code de justice administrative) et donc que l'indemnité accordée par le tribunal est inférieure ou égale à cette somme. Notons enfin que l'Etat ne fera pas "appel" de cette décision devant le Conseil d'Etat : puisque le TA a visiblement jugé en premier et dernier ressort, il s'agirait alors d'un pourvoi en cassation.

    Clairement, les journalistes ne maîtrisent pas plus les subtilités de la justice administrative que celles de la procédure pénale...

    Add. (19/06) : heureusement que je prend parfois la peine d'employer des précautions oratoires...

    En fait, comme le font remarquer Bruno et François de Droit Administratif, le Conseil d'Etat a déjà condamné l'Etat à raison du non-remplacement d'un enseignement absent (décision du 27 janvier 1988). Le TA de Versailles a fait de même par un jugement du 3 novembre 2003 (pdf, p 17).

    Et Sciences Po Paris n'est pas le seul IEP à admettre sans concours en premier cycle des bacheliers mention "très bien". L'IEP de Rennes le fait aussi, tout comme celui de Strasbourg.

    17 juin 2006

    You can't always get what you want 

    Bon, le Ghana n'a fait qu'une bouchée d'une République tchèque (jamais de Tchéquie, par pitié) clairement perturbée par l'absence de Koller et Barros. Le résultat est largement mérité au vu du match, mais cela ne m'arrange pas du tout.

    Parce que, voyez-vous, il faut que l'Italie et la République tchèque sortent de ce finalement bien piégeux groupe E. Je n'ai rien contre le Ghana, mais je reste un grand supporter des Tchèques, qui ont le potentiel pour être l'une des plus enthousiasmantes équipe du monde quand Nedved et Rosicky se sont levés du bon pied. Confer le fameux match d'anthologie contre les Pays-Bas en 2004 ou, à moindre degré, leur joli premier match contre les Etats-Unis. Et puis, un Brésil-République Tchèque en 1/8e, ça aurait de la gueule, non?

    Quant à l'Italie, il est essentiel qu'elle sorte de ce groupe pour que je puisse profiter en live de la légendaire mauvaise foi d'un vieux pote italien pour les 1/8e.

    En plus, les commentateurs d'ABC m'ont suffisamment énervé ces jours derniers avec leur patriotisme béat pour que je souhaite que les Etats-Unis se ramassent méchamment dans ce groupe. Il faudrait donc que l'Italie massacre les Etats-Unis ce soir (ça devrait le faire) mais aussi que la République Tchèque fasse mieux jeudi contre la squadra que le Ghana face aux Etats-Unis. Et ça, ce n'est vraiment pas gagné.

    Add. (21H30) : hum, le match de ce soir ne se déroule pas vraiment comme prévu. Et pourtant les Italiens avaient fait le boulot au début, à l'italienne : rien du tout pendant vingt minutes, avant un but sur coup de pied arrêté. On ne peut pas dire que les Américains ont volé le nul, pour l'instant.

    Re-add. (23H10) : je ne pensais vraiment pas que les Italiens (à l'exception de Cannavaro et Pierlo) seraient aussi mauvais ce soir. D'accord, les Américains, et en particulier Donovan, ont fait un gros match mais il y a de quoi être inquiet pour une équipe qui est incapable d'accélerer le jeu à 10 contre 9. Mon scénario idéal a du plomb dans l'aile.

    La Coupe du monde offensive qu'on nous avait promis aussi : la moyenne de but par match après 26 rencontres est 2,35, le plus mauvais résultat depuis la Coupe du monde 1990 en Italie (2,21).

    15 juin 2006

    Gary Lineker avait raison! 

    D'accord, on ne peut pas dire que le fait de l'emporter contre le Costa Rica et une Pologne même plus proche de son vrai niveau soit la meilleure preuve du fait que le football est redevenu ce sport qui se joue à 11 et où les Allemands gagnent toujours à la fin. D'autant que la Mannschaft a fait preuve ce soir, pendant 90 minutes, d'un manque d'efficacité et de réussite devant le but qui ressemblait furieusement à un best off des plus beaux loupés des Bleus en 2002 et 2004.

    Mais cette équipe allemande est vraiment agréable à voir jouer, pour la première fois depuis longtemps - on ne peut pas dire qu'elle ait été franchement transcendante en 2002, malgré la finale. Voire carrément géniale par moments, comme sur l'action de la 45e minute qui aurait dû finir au fond, et bien placé en haut du classement des plus beaux buts de cette Coupe de Monde, sans le loupé de Podolsky.

    Bon, les Allemands vont peut être se ramasser douloureusement quand ils se taperont les gros dans la suite de tournoi. Mais c'est une équipe qu'on a envie de voir aller loin. Pas comme d'autres.

    NB : quelques mots d'explication, quand même, sur mon absence depuis plus deux semaines, qui suivait déjà une période où le blogage était intermittent et d'une qualité franchement médiocre. Comme souvent dans ces cas-là, c'est le boulot qui est responsable. Ajoutez à cela non pas le bruit et l'odeur mais les week-end loin de Paris et la Coupe de monde, et le temps disponible pour mettre à jour ce blog de façon pas trop lamentable tend à se réduire aussi vite que les chances de l'équipe de France de bien figurer en Allemagne.

    Ce n'est pas l'envie de bloguer qui manque (elle devient même d'autant plus pressante que les circonstances rendent le blogage impossible), ni les sujets sur lesquels réagir qui font défaut (j'ai cru comprendre qu'il s'était passé deux ou trois trucs politico-économiques assez intéressants récemment). Mais je réalise douloureusement que le rythme de croisière de Ceteris Paribus est difficilement compatible avec un emploi à temps plein, à horaires fixes et à commutage longue distance. Il y a donc de fortes chances pour que ce blog reste en hiatus quasi-total jusqu'à la fin juin, modulo quelques notes sur la Coupe du monde.

    D'ici-là, je vous laisse entre les bonnes mains blairisto-ségolistes de mes communards camarades.